samedi 26 février 2011

L'hérésie du mois - Balzac aurait quand même pu synthétiser!


Il arrive qu'on "bloque" sur des livres, sans savoir pourquoi. On lit les deux premiers paragraphes, et puis aussitôt, l'esprit s'égare, les yeux parcourent les pages suivantes sans comprendre. Alors, on se rend compte qu'on est mal parti, et que le mieux et de revenir à la case départ pendant qu'il est encore temps. On recommence, et l'histoire se répète. A la troisième tentative, après la joie d'être enfin arrivé à tourner la page une fois de plus que lors des précédentes, vient le découragement de voir qu'il en reste encore 40 à lire avant la clôture du chapitre 1. Chaque phrase devient alors un supplice; on se prend de haine pour un contexte ou un personnage qui nous demande tant d'efforts : à ce moment-là, il est préférable d'abandonner. Quelques ouvrages m'ont joué ce tour : Robinson Crusoé, Les Chouans, Trois Ages de la Nuit (des histoires de sorcières, d'après le résumé)...      

Cependant, après 10 ans de persévérance, j'ai réussi à finir Les Chouans, un des premiers romans d'Honoré de Balzac, si ce n'est le premier, d'ailleurs, écrit entre 1828 et 1829. 

Vas-y, fais comme chez toi!

L'histoire 
Au lendemain de la Révolution et de la Terreur, les soldats républicains s'efforcent de contenir les partisans de la monarchie. Les Chouans, appelés ainsi car ils imitent fort bien le cri de la chouette, sont recrutés dans les villages de Bretagne et s'organisent en petites bandes pour jouer des tours aux Bleus (les républicains) et saboter leurs opérations militaires dans une campagne qu'ils connaissent comme leur poche.  

Digression historico-technique ! 
Attention, web 2.0 power : concernant ce plantage de décor, je demande aux historiens de passage de bien vouloir me signaler en commentaire les erreurs que j'ai pu faire! Lorsque vous écrivez un commentaire, n'oubliez pas de mettre un prénom (ou un truc bidon) dans le champ étudié pour, car si jamais vous ne  remplissez pas ce champ, et qu'en plus vous surfez en incognito, eh bien votre précieuse contribution sera virée en spam automatiquement et il me sera impossible d'en tenir compte! Ce serait balo, non? D'autant plus que je n'ai jamais vraiment compris les subtilités qui distinguent Chouans, royalistes, indépendantistes, contre-chouans mais pas républicains non plus, etc... 

L'histoire commence un matin de septembre 1799; pour alimenter les troupes républicaines, le commandant Hulot est allé recruter de la chair fraîche en Bretagne. Ces jeunes paysans ne sont pas enchantés de servir une cause à laquelle ils n'adhèrent pas. Ils sont vêtus de peaux de moutons. Oui, c'est une information importante. La preuve, il y a au moins 4 pagnes consacrés aux comportements vestimentaires de cette population. 
Rangés en colonne et escortés par un grand nombre de Bleus, ils marchent dans la campagne entre Fougères et Mayenne. 

Généralement, je m'arrête là. Voilà donc dix ans que la colonne de conscrits tourne en rond sur une étagère.

C'est alors que Marche-à-Terre, un curieux personnage qui tient plus de la bête que de l'homme, qui n'appartient pas au contingent, apparaît dans le champ de vision de Hulot. Il comprend alors qu'ils sont tombés dans une embuscade tendue par des Chouans qu'il avait sous estimés. Première baston de l'histoire, sans trop de pertes cependant; elle ne sert à rien si ce n'est à nous indiquer comment les défenseurs du roi procèdent, et qui est Hulot : un "citoyen" gradé, craint mais honnête, et visiblement plus tout jeune. 

Chapitre 2 : première fois que je vais aussi loin! Les pages sont jaunies, mais toutes lisses, et complètement nettes de toutes sortes d'éclaboussures chlorées : c'est au bord de la piscine municipale que j'avais attaqué ce roman, et il s'en souvient encore.  

Quelques mois plus tard, le même Hulot et sa brigade sont envoyés en campagne contre les Chouans, plus particulièrement contre leur chef, le marquis de Montauran. Mais ce n'est pas par la force des armes que ses supérieurs veulent venir à bout du jeune noble : ils ont prévu un appât féminin, Marie de Verneuil, une aristocrate au passé non identifié, ralliée à la cause des Bleus. Comme les soldats n'ont pas été mis dans la confidence stratégique, ils sont fort surpris d'être réquisitionnés pour seulement accompagner la voiture d'une bonne femme et de sa servante (Francine, comme la farine). 

Magnifique ou chiant, ou les deux, c'est selon!
Effectivement, le piège va fonctionner à merveille, mais peut-être trop! Alors que Marie a pour mission de séduire ce Montauran qu'elle n'a jamais vu, c'est une romance bien profonde et bien vicieuse qui va naître d'une première rencontre au cours de laquelle ils masquent leur identité. Du compliqué, du tordu, du psychologico-torturo-romantique : c'est Balzac. 

Mince, j'avais perdu l'habitude de lire des ouvrages aussi "complexes" que ce classique. Si bien que Balzac a vite fait de me perdre dans ses prolepses, analepses et la mobilité extraordinaire et simultanées de ses 7 ou 8 personnages principaux! Au moins, ça fait travailler le cerveau!

Je n'apprends rien à personne en disant que ce qui est rebutant chez Balzac, c'est l'affluence de détails.  Contrairement aux apparences, les descriptions minutieuses de l'auteur, qu'elles concernent les personnages, leur psychologie ou le décor de l'action servent bien à quelque chose, même si on a souvent envie de sauter 4-5 pages ni vu ni connu. Du moins certaines; si on a loupé le moment où il est dit qu'un personnage a tel ou tel trait de caractère, tapi dans les tréfonds de son âme, on ne comprend pas ses actions et ses réactions.

Cependant, c'est lourd quand même; les amateurs de bonne/grande/vraie littérature on beau dire que Balzac arrache les larmes au détour de chaque paragraphe, je pense qu'il faut vraiment s'accrocher. Surtout au début. Pour avoir lu quelques uns de ses romans dans le temps, j'aime bien comparer -sans ironie aucune- l'oeuvre de Balzac à un pot de rillettes de supermarché : une fois qu'on a enlevé la couche de paraffine blanche toute plastique et dégueu, on peut taper dans "le meilleur" qui dure jusqu'aux pages finales!


Si vous êtes chercheur spécialisés dans la question des échaliers en Bretagne, ou que vous faites une thèse sur les codes vestimentaires chez le paysan breton à la fin du XVIII°, de très belles descriptions aussi longues et pittoresques qu'encyclopédiques n'attendent que vous!  

Illustration : Balzac. Les Chouans. Le Livre de Poche, Paris. 1975 

Pour ceux qui veulent s'y mettre : 

2 commentaires:

Bubulle!! a dit…

Huuumm des rillettes !!^^

Java a dit…

N'est-ce pas! mais moins que la cancoillotte ^^!