L'auteur du Garçon en pyjama rayé semble avoir voulu tailler dans la même veine en composant son dernier roman intitulé Le garçon au sommet de la montagne. D'ailleurs, la mention à ce magnifique ouvrage que je n'ai toujours pas lu _ne hurlez pas, c'est en partie parce que j'en ai beaucoup trop entendu parler !_ apparaît en bas de la première de couverture, juste au-dessus du nom de l'auteur.
LA couverture déprimante
Oh, on aurait très bien pu se passer de cette discrète opération publicitaire tant le roman n'aura guère de mal à se vendre, étant donné la qualité de son contenu. Saucissonné dans des stries de fil de fer barbelé, le titre occupe les trois quarts de la page, en grosses lettres blanche sur un fond rouge sang. En bas, on devine la montagne plus qu'on la voit, comme assombrie au coucher du soleil. Le garçon _qu'on ne connaît pour l'instant que par le mot qui le désigne ! peut bien être au sommet des neiges éternelles s'il le souhaite, il ne respire par la liberté pour autant.. Contrairement à lui, un rapace prend son envol, tranquille.
Voilà une belle couverture déprimante comme on les aime ! Tournons les pages, à présent...
De quoi ça parle, sinon ?
L'histoire débute en 1936. Pierrot Fischer, 7 ans, vit à Paris avec sa mère Emilie. Sa famille s'est disloquée quelques années plus tôt, lorsque son père s'est suicidé : en effet, cet ancien soldat allemand n'avait jamais réussi à se remettre complètement du traumatisme de la guerre de 1914 - 1918 et a fini par se jeter sous un train après avoir sombré dans la dépression. Depuis, Emilie travaille comme serveuse dans le restaurant de M. Abraham, tandis que son fils passe ses journées avec son copain Anshel, un petit Juif muet qui aspire a devenir écrivain. Mais ce semblant d'équilibre dure pas ; Emilie tombe malade et meurt à son tour. Pierrot est balancé dans un orphelinat orléanais.
Là, on se dit : bienvenue chez Charles Dickens ! D'ailleurs, le narrateur lui-même y fera allusion au détour d'un chapitre.. Eh bien, on se trompe. Pierrot ne fera pas ami ami avec Oliver Twist ! Le destin qui lui est réservé s'annonce bien pire, d'une certaine façon...
Alors qu'il s'intègre bon an mal an au milieu des gosses abandonnés, sa tante Beatrix se manifeste et demande à en avoir la garde. Si Pierrot était au courant que son père avait une soeur, il s'était souvent demandé pourquoi il ne l'avait jamais vue ; il fallait croire que le moment était venu...
Le voilà parti pour l'Allemagne, et, après un voyage éprouvant où il se fera bousculer par un soldat nazi puis par quelques ados des jeunesses hitlériennes, il découvre la grande maison au sommet de la montagne qu'il habitera désormais, et dont Beatrix est la gouvernante. Tout le monde se montre plutôt sympa avec lui, que ce soit Ernst, le chauffeur, Emma la cuisinière, ou encore Herta, la "deuxième chef des bonnes". Mais il doit se plier à des consignes strictes qu'il ne comprend pas et contre lesquelles il se braque : ne parler ni de sa mère française, ni de la folie de son père, et encore moins de son ami juif. Pourquoi ? Parce que cela pourrait déplaire à Monsieur. Monsieur est le propriétaire des lieux, et même s'il est rarement là, sa menace pèse sur les épaules de tous.
Cependant, on comprend assez vite que le mystérieux Monsieur n'est autre que Hitler. Ceci explique cela.
Après une ellipse d'un an, on retrouve un Pierrot -ou plutôt un Pieter_ bien changé... En quelques mois, le dictateur n'a eu aucun mal à laver le cerveau de l'orphelin fragile et déboussolé qui ne cherchait qu'un repère et une figure à admirer. Lorsque le Führer lui offre son premier uniforme de nazi en herbe, l'enfant se sent "adopté", pris au sérieux par cet homme capable de se montrer à la fois si doux et si dur avec lui _un peu comme son défunt père. Il ne voit pas que l'enflure est en train de faire de lui le plus fidèle des indics. Sa fascination aveugle pour l'odieux personnage va l'emmènera de plus en plus loin. Jusqu'à se retourner contre ceux qui ne lui voulaient que du bien. Jusqu'à prendre en note, sans vraiment comprendre _mais un peu quand même... les plans des camps de concentration. Froidement. Sans la moindre empathie. Car là où Pierrot se salit les mains, Pieter ne fait que son devoir de patriote.
En racontant la descente aux enfers d'un gamin faible, malléable et désireux de faire enfin partie d'un groupe, Le garçon au sommet de la montagne est un de ces romans qui réveillent. Il gagnera à passer entre le plus de mains possible, d'autant plus qu'il s'adapte à très bien des contextes autres que celui de l'Allemagne nazie. Moi qui aime bien me moquer des livres tristes, je le recommande à tout le monde, jeunes et vieux, pour le lire, simplement ou pour l'étudier, si possible...
Du coup, notre interprétation de la couverture prend un chemin plus sûr ; on y retrouve les trois couleurs du drapeau nazi _rouge, blanc, noir.. Le lecteur contemple la neige depuis un camp entouré de fil de fer barbelé. Ah, il est à son aise, le Führer, là haut dans la montagne _ au passage, il s'agit d'un montage d'une photo du Mont Blanc. Au point où on en est, on peut partir du principe que l'oiseau qui vole au-dessus du titre est un aigle, symbole facho s'il en est. Il plane au-dessus de la tête du "garçon au sommet de la montagne", emprisonné dans ses idées arrêtées et serré de près par le maître "si généreux" qui a bien voulu le "recueillir" lorsqu'il était dans la difficulté... On remarquera que personne n'est représenté, même si tout est suggéré ; voilà qui colle bien à l'époque dont-il est question, Pierrot n'a-t-il pas vu sans voir, dit sans dire et fait semblant de ne pas entendre, de ne pas comprendre ? L'illustration se poursuit sur la tranche et sur la quatrième de couverture, pour une finalisation parfaite de ce bel objet.
John BOYNE. Le garçon au sommet de la montagne. Gallimard Jeunesse, 2016. 272 p. ISBN 978-2-07-066996-7
De quoi ça parle, sinon ?
L'histoire débute en 1936. Pierrot Fischer, 7 ans, vit à Paris avec sa mère Emilie. Sa famille s'est disloquée quelques années plus tôt, lorsque son père s'est suicidé : en effet, cet ancien soldat allemand n'avait jamais réussi à se remettre complètement du traumatisme de la guerre de 1914 - 1918 et a fini par se jeter sous un train après avoir sombré dans la dépression. Depuis, Emilie travaille comme serveuse dans le restaurant de M. Abraham, tandis que son fils passe ses journées avec son copain Anshel, un petit Juif muet qui aspire a devenir écrivain. Mais ce semblant d'équilibre dure pas ; Emilie tombe malade et meurt à son tour. Pierrot est balancé dans un orphelinat orléanais.
Là, on se dit : bienvenue chez Charles Dickens ! D'ailleurs, le narrateur lui-même y fera allusion au détour d'un chapitre.. Eh bien, on se trompe. Pierrot ne fera pas ami ami avec Oliver Twist ! Le destin qui lui est réservé s'annonce bien pire, d'une certaine façon...
"Les gars, je crois que la soupe au choux est en train de remonter !" |
Alors qu'il s'intègre bon an mal an au milieu des gosses abandonnés, sa tante Beatrix se manifeste et demande à en avoir la garde. Si Pierrot était au courant que son père avait une soeur, il s'était souvent demandé pourquoi il ne l'avait jamais vue ; il fallait croire que le moment était venu...
Le voilà parti pour l'Allemagne, et, après un voyage éprouvant où il se fera bousculer par un soldat nazi puis par quelques ados des jeunesses hitlériennes, il découvre la grande maison au sommet de la montagne qu'il habitera désormais, et dont Beatrix est la gouvernante. Tout le monde se montre plutôt sympa avec lui, que ce soit Ernst, le chauffeur, Emma la cuisinière, ou encore Herta, la "deuxième chef des bonnes". Mais il doit se plier à des consignes strictes qu'il ne comprend pas et contre lesquelles il se braque : ne parler ni de sa mère française, ni de la folie de son père, et encore moins de son ami juif. Pourquoi ? Parce que cela pourrait déplaire à Monsieur. Monsieur est le propriétaire des lieux, et même s'il est rarement là, sa menace pèse sur les épaules de tous.
Cependant, on comprend assez vite que le mystérieux Monsieur n'est autre que Hitler. Ceci explique cela.
A lire également : tous les "Dickie" de Pieter Von Poortere ! |
Après une ellipse d'un an, on retrouve un Pierrot -ou plutôt un Pieter_ bien changé... En quelques mois, le dictateur n'a eu aucun mal à laver le cerveau de l'orphelin fragile et déboussolé qui ne cherchait qu'un repère et une figure à admirer. Lorsque le Führer lui offre son premier uniforme de nazi en herbe, l'enfant se sent "adopté", pris au sérieux par cet homme capable de se montrer à la fois si doux et si dur avec lui _un peu comme son défunt père. Il ne voit pas que l'enflure est en train de faire de lui le plus fidèle des indics. Sa fascination aveugle pour l'odieux personnage va l'emmènera de plus en plus loin. Jusqu'à se retourner contre ceux qui ne lui voulaient que du bien. Jusqu'à prendre en note, sans vraiment comprendre _mais un peu quand même... les plans des camps de concentration. Froidement. Sans la moindre empathie. Car là où Pierrot se salit les mains, Pieter ne fait que son devoir de patriote.
En racontant la descente aux enfers d'un gamin faible, malléable et désireux de faire enfin partie d'un groupe, Le garçon au sommet de la montagne est un de ces romans qui réveillent. Il gagnera à passer entre le plus de mains possible, d'autant plus qu'il s'adapte à très bien des contextes autres que celui de l'Allemagne nazie. Moi qui aime bien me moquer des livres tristes, je le recommande à tout le monde, jeunes et vieux, pour le lire, simplement ou pour l'étudier, si possible...
Voilà, la dame du CDI a tranché ! |
Du coup, notre interprétation de la couverture prend un chemin plus sûr ; on y retrouve les trois couleurs du drapeau nazi _rouge, blanc, noir.. Le lecteur contemple la neige depuis un camp entouré de fil de fer barbelé. Ah, il est à son aise, le Führer, là haut dans la montagne _ au passage, il s'agit d'un montage d'une photo du Mont Blanc. Au point où on en est, on peut partir du principe que l'oiseau qui vole au-dessus du titre est un aigle, symbole facho s'il en est. Il plane au-dessus de la tête du "garçon au sommet de la montagne", emprisonné dans ses idées arrêtées et serré de près par le maître "si généreux" qui a bien voulu le "recueillir" lorsqu'il était dans la difficulté... On remarquera que personne n'est représenté, même si tout est suggéré ; voilà qui colle bien à l'époque dont-il est question, Pierrot n'a-t-il pas vu sans voir, dit sans dire et fait semblant de ne pas entendre, de ne pas comprendre ? L'illustration se poursuit sur la tranche et sur la quatrième de couverture, pour une finalisation parfaite de ce bel objet.
Ne dis jamais que tu ne savais pas. (...) Ce serait le pire de tous les crimes."
Prozac d'or bien mérité pour cette oeuvre |
John BOYNE. Le garçon au sommet de la montagne. Gallimard Jeunesse, 2016. 272 p. ISBN 978-2-07-066996-7
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