mercredi 27 février 2013

Mongol - Karin Serres (2003)


Il faut bien lire quelques romans pour enfants, de temps à autres ! Dernièrement, j'ai emprunté celui-ci à la bibliothèque : 

Bon, l'illustration laisse entrevoir une histoire cruelle et quelque peu déprimante. C'est bien le cas, en effet. Mais pas seulement !

Il était une fois un petit clochard moche et puant sur lequel tout le monde lançait des pierres et ses épluchures de carottes, parce que c'est encore plus dégueu que les tomates pourries... 

Non, je déconne.

Après cette fausse présentation, Mongol va vous sembler aussi qu'un yaourt à zéro pour cent.


Ludovic n'est pas bête, il est simplement un peu long à la détente. A l'école et au centre aéré, ses copains ont bien cerné sa faiblesse. C'est pourquoi ils passent leur temps à l'insulter, à le traiter de débile ou de crétin. Ludovic subit sans répondre, habitué depuis toujours à ces brimades _ y compris à la maison. Mais lorsque Fabrice, le chef de bande, le qualifie de « mongol », la perplexité l'envahit : que peut bien vouloir dire ce drôle de mot qu'il entend pour la première fois ?

Le « sombre idiot » avance à son rythme, mais son sens logique ne lui fait pas défaut : « un mot, ça veut forcément dire quelque chose ». Alors il prend un dictionnaire afin d'y trouver la définition du mot « mongol ». Le voilà lancé à la découverte de la Mongolie, de ses paysages, de sa culture et de son peuple auquel Fabrice et sa bande ont subitement choisi de l'associer : allez savoir pourquoi ! Lui qu'on habille été comme hiver de quolibets plus pourris les uns que les autres, est maintenant comparé à un fringant cavalier mangeur de viande crue ! Quelque chose ne tourne pas rond... mais peu importe, son estime de lui-même s'en voit rehaussée. A la surprise de tous, Ludovic se transforme petit à petit en véritable Mongol : il passe ses nuits à lire tous les livres et les revues susceptibles de mieux lui faire connaître « son » peuple, il se nourrit exclusivement de viande et de lait (ah tiens comme Dukan), il enrichit son vocabulaire mongol _ surtout le registre ordurier, d'ailleurs.

A l'école, cette transformation n'est pas très bien perçue : un souffre-douleur qui rigole, qui vous dit des mots dans une autre langue et mange avec les doigts, ce n'est pas très amusant. Voire un peu flippant ! La bibliothèque _ et sa bibliothécaire _ est le seul lieu où Ludovic peut à peu près s'épanouir. On sort du cadre scolaire où les rapports entre les élèves sont déterminés par ce qui se passe dans la classe et dans la cour, pour entrer dans une aire sans a priori, où chacun est son propre guide, où chacun va à son rythme. L'assimilation de cet endroit à un cocon, ou à un nid _ assez spacieux pour esquiver ses ennemis et pourvu de toilettes confortables_ est intéressante. Tant que nous y sommes, autant filer la métaphore de l'oiseau avec la bibliothécaire : protectrice et bienveillante, elle prend le poussin dénigré sous son aile, sans différencier ses capacités de celles des autres.



Vous n'espériez tout de même pas y échapper ? 

Kinder surprise 

La force du roman de Karin Serres réside dans cette mutation un peu déroutante du héros. En effet, Mongol ne retrace pas l'histoire d'une victime qui se relève, affronte ses agresseurs pour enfin les battre à plate couture. On n'est pas dans Hajime no Ippo (Ippo, la rage de vaincre), même si j'en parlerai, un jour, c'est promis ; car c'est un manga qui donne beaucoup d'espoir. 



Parfois, rester réaliste et faire une croix sur le happy end s'avère tout aussi efficace : la réaction imprévisible du héros prend les autres enfants de cours et bloque momentanément leur venin. C'est à leur tour de ne pas tout piger : dès que Ludovic parle dans une langue qui leur est étrangère, ils font l'expérience de la frustrante impression « d'avoir loupé un chapitre »... et ne veulent pas le reconnaître, bien évidemment. Si la différence déchaîne les instincts grégaires parce qu'elle fait peur, la surprise a plutôt le pouvoir de déclencher le rire chez l'Autre, ou de le tétaniser. Ici, la seconde option est bien perceptible, même si Fabrice sa meute d'insignifiants suiveurs se risquent à quelques actes d'intimidation, histoire de ne pas perdre la face. Pensons à la scène des osselets, jeu auquel Ludovic excelle d'autant plus qu'il s'inscrit pleinement dans la culture mongole. 


Ce roman pour enfants me rappelle un épisode du dessin-animé Hé Arnold ! On y rencontre une situation quelque peu similaire : un jour, Arnold _ héros frêle au visage « en forme de ballon de rugby » _ se voit menacé de mort par Harold _ la brute épaisse. Ils doivent se retrouver le lendemain pour se battre en bonne et due forme, malgré leur manifeste différence de gabarit. Après avoir pleuré sa mère toute la nuit, Arnold décide de prendre le taureau par les cornes et de se faire passer pour un cinglé. Armé d'un énorme poste de radio, il se met à hurler « je suis zinzin » en dansant la java autour de son adversaire incrédule. La technique marche à merveille : Harold est tellement effrayé qu'il fuit la confrontation au pas de course, en criant « ce type est cinglé ». 




Comme quoi, la folie a du bon, surtout si elle est bien simulée !


SERRES, Karin. Mongol. L'Ecole des Loisirs. Coll. "Neuf". 2003. 91 p. ISBN : 2 21106969 X 


4 commentaires:

Bubulle!! a dit…

Il a l'air intéressant ce bouquin !! Ton article m'a donné envie de le lire... !

Java a dit…

Je te l'apporte ! ;-)

Opale a dit…

Arnold, ce génie !

Java a dit…

Lui, c'est mon héros !