dimanche 15 avril 2012

Les Aventuriers de la Mer 1 - Le vaisseau magique - Robin Hobb (1998)



Comme convenu, je me suis mise à la lecture de la saga des Aventuriers de la Mer, qu'il est conseillé de commencer après le tome 6 de L'Assassin Royal. Normalement, si Robin Hobb use aussi bien de son pouvoir de séduction que la dernière fois, on est partis pour neuf livres de poche : l'édition française a une nouvelle fois fait fonctionner la cisaille et découpé en petites parts les trois pavés de la version originale. Quelle importance, me direz-vous, du moment que le texte intégral soit respecté ? Eh bien, il me semble qu'ici, le saucissonnage n'ait rien d'un détail.

L'histoire 

La mort du capitaine Ephron Vestrit, illustre représentant d'une dynastie de navigateurs marchands de Terrilville, met fin aux non-dits et sème la discorde dans la famille : Ronica, la veuve, fait ce qu'elle peut pour sauver l'honneur des Vestrit et éviter la faillite qu'une concurrence déloyale rend presque inéluctable. C'est pour le bien de tous qu'elle s'est efforcée de convaincre Ephron d'attribuer tout son héritage, et notamment sa précieuse "vivenef", à Kyle, leur gendre avide de pouvoir et assez peu scrupuleux pour forcer son fils, le jeune prêtre Hiemain, à intégrer l'équipage. Althéa, la fille cadette au caractère fort, se sent flouée. Elle ne comprend pas que la Vivacia ne lui soit pas revenue de droit, elle qui connait si bien le navire et qui est coutumière des voyages en mer. Heureusement, le marin Brashen n'hésite pas à faire l'impasse sur ses propres problèmes pour veiller sur elle. Non loin de là, le pirate Kennit vogue sur la Marietta à la recherche de butins de choix, en se passionnant pour les serpents de mer carnivores qui peuplent les fonds marins. 


       
Robin Hobb a choisi de faire évoluer les personnages des Aventuriers de la Mer dans le même univers médiéval que ceux de l'Assassin Royal ; les noms de Terrilville, des Rivages Maudits, du Pays Chalcède, qui tenaient lieu de destinations exotiques pour Fitz et ses amis solidement implanté dans le royaume terrien des Six Duchés, sonneront clair à l'oreille des habitués. Que les novices ne fuient pas pour autant : une cartographie accompagne l'ouvrage, comme dans tout roman d'heroic fantasy qui se respecte. Au contraire, ils partent avantagés, car la tentation de la comparaison des deux histoires parallèles est d'autant plus grande que nous nous efforçons d'y échapper. Il y a quand même de quoi être dépaysé : point d'Art, de Vif et de cour princière, mais des marins, des pirates, des serpents de mer amateurs de chair humaine morte ou vive, des navires et surtout des vivenefs, des bateaux à la figure de proue vivante rattachés à leur capitaine par un lien fort.  

Les pièces du puzzle 
Alors que l'Assassin Royal ne laissait planer aucun doute sur la place prépondérante de Fitz, "Le vaisseau magique" s'ouvre sur plusieurs fragments de destins, que l'on sait d'avance voués à se rencontrer, certes, mais qu'on ne peut pas rapprocher pour l'instant. C'est ici que je me permettrai de remettre en cause la pertinence -autre que financière- du "découpage" de l'oeuvre en 9 volumes de poche : à la fin des 316 pages, on est plus désarçonnés par la quantité d'informations livrée sur tous les personnages importants que tenus en haleine par un dernier chapitre plein d'entrain. La saga des Aventuriers de la mer n'a sans doute pas été rédigée pour être hachée aussi menu.

"Pirates !!!"
Pour revenir à la diversité des portraits proposés, disons qu'il est tout à fait vain d'essayer de déterminer un héros. Si plusieurs figures incontournables se dessinent petit à petit, il faut s'attendre à ce que plusieurs "aventuriers" soient tous logés à la même enseigne du début à la fin de la saga. S'ils ont comme points communs l'instinct de survie, la mer, l'amour des beaux navires rapides, et sont tous guidés par un passé qui les a rendus lourds d'amertume ou assoiffés de vengeance, ce sont leurs préoccupations personnelles les précipitent les uns vers les autres. Même sur un bateau vivant et capricieux, des gens se croisent sans se douter que leurs vies serons plus tard indissociables.        

Aventures en mer 
L'univers des marins et les histoires de pirates _ clairement annoncé dans le titre, on est prévenus _ ne m'a jamais vraiment emballée, hormis l'Ile au trésor de Stevenson que j'ai du relire vingt fois ; mais c'est bien l'exception qui confirme la règle. Je n'ai toujours pas réussi à regarder "La Malédiction du Black Pearl" en entier, alors que les trois premiers DVD de Pirates des Caraïbes moisissent d'ennui dans leur boîte depuis plus de deux ans. Si la lecture de ce roman ne m'a pas été pénible du tout, c'est parce que Robin Hobb accorde toujours une importante dimension psychologique à ses intrigues. 



"Les copains d'abord, les copains d'abord"
Ah non, c'est pas ça...

Il faut aussi signaler que dans ce premier temps de l'histoire, beaucoup d'événements, de débats et de grandes décisions prennent corps à terre.

Je crois que je deviens chiante ... 
... mais j'ai quand même deux ou trois remarques négatives à faire partager. Il paraît que les "suites" de livres ou de films sont toujours un peu décevantes ; on pourrait plutôt dire que le lecteur ou le spectateur devient plus exigeant lorsque la barre est placée très haut et que l'effet de surprise n'a plus lieu d'être. Ce doit être mon cas, d'autant plus que je ne peux m'empêcher de créer des liens avec Fitz et compagnie ; or, ces liens m'amènent à penser que la mythologie des Aventuriers de la mer n'est rien de plus qu'une version exotique de celle déjà connue dans l'Assassin Royal. C'est peut-être voulu, d'ailleurs, étant donné que tous vivent dans le même univers :

- Le dieu El devient le dieu Sa
- Le Vif et l'Art sont remplacés par le lien entretenu entre un humain et sa vivenef 
- Fitz et Althéa se font écho dans leurs actes et dans leurs paroles _ souvent irréfléchis
- Les dragons laissent place aux serpents de mer
Oui, rien qu'en dressant la liste, je me dis de plus en plus que les ressemblances sont volontaires.  

Althéa Vestrit, l'une des multiples figures du roman, fait aussi figure d'ombre au tableau ; c'est le type-même de l'enfant gâtée qui se pense rebelle mais qui est juste chiante à baffer à force de ramener sa fraise. Il s'agit d'une héroïne forte et téméraire, pas du tout féminine évidemment, puisque les femmes pleurent et n'ont pas le pied marin, c'est bien connu ! Althéa est le pendant inversé de sa soeur Keffria, une jeune mère qui se déshydratera sans doute avant la fin du cycle. Ceux qui connaissent la série télévisée sur fond de fantasy médiévale La Caverne de la Rose d'Or (années 90) pourront identifier Althéa à la courageuse Fantaghiro, et Keffria à Catherine, la grande soeur blonde qui renifle sans cesse. 

Enfin, la prise en considération omniprésente des "liens du sang" dans cette histoire où il est beaucoup question d'héritages, de partage, et de la légitimité d'accéder ou non à certains biens, m'a un peu dérangée. Bien entendu, l'univers médiéval rend indispensable cette notion de "bâtardise", de "sang pur", de "non, t'es adopté, ça compte pas". Mais, Robin Hobb s'en sert un peu trop pour souligner les inégalités de l'héritage : Kyle, le "méchant", est celui qui est un Vestrit "par alliance" ; la vivenef réveillée ne peut reconnaître son "sang" et ne communiquera qu'avec un "vrai" membre de la famille. Le mérite n'a-t-il donc pas sa place dans Les Aventuriers de la Mer ? Rien n'est moins sûr ; verdict dans les volumes suivants !     
       

Hobb, Robin. Les aventuriers de la mer. "Le vaisseau magique". Paris. Flammarion. Coll. "J'ai lu". 1998. 316p. ISBN 2-290-32571-6

Illustration du livre de poche de l'édition Flammarion, coll. "J'ai lu":
       

2 commentaires:

Bubulle!! a dit…

Hi hi hi, "saucissonage" !! ;-D
ça a l'air un peu moins captivant que L'Assassin Royal en effet... !
Peut-être que ça va changer par la suite... !
Je note tout de même la comparaison faite entre Althéa et Fantaghiro !!^^ :-)

Java a dit…

On verra bien, j'ai le 2 mais j'attends d'en avoir fini d'autres avant de m'y attaquer !! Je compte bien parler de Fantaghiro plus longuement un de ces jours ! Bravo d'avoir tout lu ! :-D