Il suffit d'écouter successivement quelques chansons paillardes compilées sur un album pour se rendre compte qu'elles regorgent toujours d'indications de lieux, et qu'elles sont souvent le théâtre de perpétuels mouvements! Précisant une région particulière, des villes ou des endroits typiques de la vie quotidienne tels que le marché, la chambre ou le bordel un lieu de culte, les héritiers de ces chansons souvent transmises oralement tiennent à fixer un cadre d'action. En effet, même si les variantes sont nombreuses d'un interprète à l'autre, les principaux déplacements des protagonistes et le lieu de l'action demeurent stables. Pour illustrer cette remarque, j'ai constitué un petit corpus de chansons célèbres :
La boiteuse et Mon père m'a donné 100 sous seront l'occasion de mettre en valeur l'importance des mouvements dans le déroulement de l'action. La Digue du Cul et Jeanneton prend sa faucille ne seront pas traitées de façon détaillée _pour cette fois, mais elles serviront de références.
J'en ai choisi des plutôt gentilles, hormis peut-être la Digue du cul.
Le chemin de la boiteuse
Comme vous pouvez le constater, cette dame ne cesse de se promener partout. Elle semble parcourir de longues distances à pieds, bien qu'on soit à la limite de la vraisemblance. Oui, elle est forcément à pieds, sinon on ne verrait pas son cul et elle ne présenterait aucun intérêt pour personne.
On apprend d'abord que madame la Boiteuse va au marché, se promène le long de la rivière, va au stade pour supporter son équipe de rugby favorite, elle aime visiblement faire la fête et boire de la bière. Si elle ne cheminait pas d'un point vers un autre, personne ne la verrait et on ne saurait rien de tout cela. Les déplacements prennent une autre dimension au cours de la chanson, bien qu'ils soient tout aussi réguliers et forment un parcours bien précis :
1) Lésignan-Corbières
2) Pezenas
3) Conas
4) Limoux
Soit, après calcul en tenant compte de l'échelle 1/33 et en additionnant les différentes étapes du parcours, près de 160km!!
Soit, après calcul en tenant compte de l'échelle 1/33 et en additionnant les différentes étapes du parcours, près de 160km!!
Reproduction très approximative de la carte du Languedoc Roussillon.
Désolée pour les départements que j'ai raccourcis, notamment l'Hérault!
Si un jour, vous en avez marre de faire comme tout le monde, cessez-donc de marcher sur les traces de Saint Jacques de Compostelle, et suivez plutôt le chemin de la boiteuse!
Après 7 minutes d'écoute attentive, le mystère reste entier : où va la boiteuse, au juste, pour faire aussi communément la navette entre l'Hérault et l'Aude? Peu importe. Ce qui compte, c'est de savoir que même si l'on a une apparence un peu trop particulière pour passer inaperçue, on peut faire son chemin et jouir d'un certain succès.
Mon père m'a donné 100 sous : la grand mère était en embuscade.
Les paroles de cette chanson sont assez difficiles à trouver, du moins dans la version que je connais, qui est à mon sens la plus claire. J'essaie de vous la reconstituer telle que je l'ai apprise dans le bus qui nous emmenait en classe verte, il y a environ 15ans :
Mon père m'a donné 100 sous
Pour m'acheter des bretelles
J'ai gardé les 100 sous
Pour aller au bordel.
Chemin faisant, j'ai rencontré grand-mère
Ou vas-tu mon enfant?
Je m'en vais au bordel
Garde tes 100 sous
Je ferai bien l'affaire
J'ai gardé mes 100 sous
Et j'ai niqué grand-mère
On m'a donné 100 sous
Pour m'acheter des bretelles
J'ai gardé les 100 sous
Pour aller au bordel
Chemin revenant
J'ai rencontré mon père
D'où viens-tu mon enfant
Je viens de niquer grand-mère
Fils de batard
Tu viens de niquer ma mère
Batard toi-même
T'as bien niqué la mienne!
Cette chanson est pleine de mouvements de l'ordre du possible, et de destinations visées sans vraiment l'être; c'est curieux, car il est rare que l'action, dans la chanson paillarde, demeure dans l'hypothétique, surtout s'il s'agit d'aller à la rencontre de filles de joie. Faisons une comparaison avec le parcours de Jeanneton,. Armée de sa faucille, elle projette d'aller couper du jonc mais se fait aborder par quatre types sur sa route. Le premier lui dit qu'elle est moche, le deuxième lui touche le visage, le troisième la pousse dans l'herbe et le dernier lui saute dessus, bien que ce ne soit "pas dit dans la chanson". Jeanneton est, tout comme le petit-fils sans bretelles, confrontée à un obstacle, à la différence que lui n'a plus aucune raison d'aller au bordel : ses projets sont anéantis par sa rencontre.
Par ailleurs, il est étonnant que le père anticipe la pensée de son fils : il devrait être certain qu'il s'est acheté des bretelles avec les 100 sous, et pourtant il doute : son premier réflexe, à son retour, est de lui demander où il est allé . Bien entendu, le fils répond innocemment qu'il a baisé sa grand-mère, tout en omettant de dire qu'il comptait initialement aller au bordel. Donc, dans la tête du père, il n'y a plus qu'un schéma possible : le fils était en route pour le magasin de bretelles, et c'est là qu'il a rencontré sa grand-mère. Il n'est plus question de potentielle envie de baiser préalable, ni d'un souhait de faire des économies. En préservant son père de ses projets de départ, il aggrave son cas et passe bel et bien pour un gros connard. Il faut pourtant que le héros en reste un; d'où le personnage atypique de la grand-mère.
Quelle fourbe mamie! Comment ne pas penser que le hasard qui a mis les personnages sur le même chemin est feint? Après tout, à roder près de la maison, elle devait bien avoir ouï dire que son petit-fils comptait s'acheter des bretelles sous peu! Bien entendu, elle vient conforter par son caractère calculateur un lieu commun de la chanson paillarde : le type n'y est absolument pour rien, il n'a fait que suivre sa route, et il se trouve qu'on a mis sur son passage quelqu'un de comestible. Exactement comme dans la Digue du cul, où le protagoniste tombe tout à fait involontairement dans la chambre d'une fille qui dort à poil, l'heureux détenteur des 100 sous a un relation sexuelle avec sa grand-mère uniquement parce qu'elle le lui propose. Les mauvaises langues pourraient même dire qu'en bon petit fils, il n'a pas osé refuser!
Par ailleurs, il est étonnant que le père anticipe la pensée de son fils : il devrait être certain qu'il s'est acheté des bretelles avec les 100 sous, et pourtant il doute : son premier réflexe, à son retour, est de lui demander où il est allé . Bien entendu, le fils répond innocemment qu'il a baisé sa grand-mère, tout en omettant de dire qu'il comptait initialement aller au bordel. Donc, dans la tête du père, il n'y a plus qu'un schéma possible : le fils était en route pour le magasin de bretelles, et c'est là qu'il a rencontré sa grand-mère. Il n'est plus question de potentielle envie de baiser préalable, ni d'un souhait de faire des économies. En préservant son père de ses projets de départ, il aggrave son cas et passe bel et bien pour un gros connard. Il faut pourtant que le héros en reste un; d'où le personnage atypique de la grand-mère.
Quelle fourbe mamie! Comment ne pas penser que le hasard qui a mis les personnages sur le même chemin est feint? Après tout, à roder près de la maison, elle devait bien avoir ouï dire que son petit-fils comptait s'acheter des bretelles sous peu! Bien entendu, elle vient conforter par son caractère calculateur un lieu commun de la chanson paillarde : le type n'y est absolument pour rien, il n'a fait que suivre sa route, et il se trouve qu'on a mis sur son passage quelqu'un de comestible. Exactement comme dans la Digue du cul, où le protagoniste tombe tout à fait involontairement dans la chambre d'une fille qui dort à poil, l'heureux détenteur des 100 sous a un relation sexuelle avec sa grand-mère uniquement parce qu'elle le lui propose. Les mauvaises langues pourraient même dire qu'en bon petit fils, il n'a pas osé refuser!
Enfin, le phénomène de demi-tour, à comprendre ici comme un retour à la case départ après une semi-réalisation des objectifs du héros (il a niqué quelqu'un, mais il n'est pas parvenu jusqu'au bordel) est assez rare dans les chansons paillardes. Habituellement, l'accès effectif à l'endroit visé est majoritaire. S'il y a souvent une "pause" dans le parcours, c'est à dire un moment plus ou moins long au cours duquel les personnages font un certain nombre de choses avec leur b***, un nouveau départ est envisageable. Au petit matin, le gars "revenant de Nantes" (La Digue du cul) reprendra sans doute son chemin vers Montaigu, et Jeanneton saisira de nouveau sa faucille pour aller couper du jonc, une fois ses ébats terminés.
Il y aurait encore tant de choses à dire à ce sujet! à suivre!
Il y aurait encore tant de choses à dire à ce sujet! à suivre!
5 commentaires:
Looool !!^^ Scrupuleuse analyse de ces chansonnettes hein !! ;-D
Je ne connaissais pas "Mon père m'a donné 100 sous"...^^
Et en ce qui concerne Jeanneton, le premier garçon lui dit qu'elle est moche uniquement dans ton imagination non ?!!^^ Je croyais qu'il lui caressait le menton... et d'ailleurs ça correspond au deuxième... mais où est passé le jupon ??! LOOL !
Il doit y avoir tellement de versions différentes en plus... ! ;-)
Vivement la suite !! :-)
Ah, la version que je connais a l'air moins fun que la tienne, car il n'y a pas de jupon!! :'-(
Le premier la "traite de laideron", le deuxième lui "caresse le menton", le troisième la "pousse dans le gazon" et ce que fait le quatrième "n'est pas dit dans la chanson"...
Il faut que je reformule certaines choses dans l'article, car il y a tellement de choses à dire qu'on s'y perd quand on veut faire le tri.. enfin, je suis contente car tu n'as pas l'air trop choquée!! ;-) merci pour ton commentaire, alors que je suis sûre que tu es super fatiguée!!...
Ah d'accord... Dans ma version, le deuxième "lui souleva le jupon", mais après c'est pareil !^^
Tu m'étonnes, c'est compliqué d'écrire un article liant plusieurs chansons, sans se mélanger les pinceaux... ! Mais tu réussis toujours ça très bien ! ;-)
Moi, choquée !?? :-O... Voyons, il m'en faut plus que ça tout de même !^^ LOL !
Je peux même te chantonner d'autres chansons qui pourront t'inspirer pour la suite... ! :-D
Aahh eh bien justement puisque tu te proposes comme interprète... j'aurais besoin de toi pour illustrer le blog hi hi hi!! ;-)
^^ Looool !! ;-)
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