dimanche 1 septembre 2013

Soyons sérieux : le "Dossier information et citoyenneté" publié sur Médiapart (5 mai 2010)



La Ligue de l'Enseignement s'est associée à Médiapart, journal numérique et participatif, pour traiter des rapports épineux qu'entretiennent les européens d'aujourd'hui avec les médias. Un "dossier information et citoyenneté" a donc été réalisé afin de cerner les points de désaccord entre des deux parties et d'y apporter des solutions en vue d'une "réconciliation".


Voici ce que j'en ai retenu : attention pavé !!! 


En même temps vous étiez prévenus

Mis en ligne depuis trois ans déjà, les propos tenus dans les différents articles sont toujours d'actualité : les lecteurs se méfient systématiquement de ce qu'ils lisent dans les journaux, de ce qu'ils voient à la télévision, et ont tendance à se tourner vers de nouvelles formes de médias, tels que les blogs d'information ou les journaux citoyens, qu'ils considèrent comme étant plus "libres", mais qui sont souvent moins professionnels.


Dans son introduction aux différents articles, Nathalie Dollé, une journaliste qui a beaucoup réfléchi aux enjeux de sa profession et au rôle des médias dans la société, se montre sceptique lorsqu'elle constate cette tendance. Selon elle, les professionnels _ceux qui sont munis de leur carte de presse_ et les rédacteurs amateurs n'ont pas les mêmes objectifs. Les premiers diffusent des informations discutées collectivement puis validées, tandis que les seconds partagent des points de vue subjectifs plutôt que de réelles infos. Même si l'on comprend très bien ses inquiétudes, elle n'évoque pas encore les aspects positifs du phénomène, tels que le pouvoir de liberté d'expression, de dénonciation accordé au citoyen lambda _ dont Patrice Flichy, par exemple, parle assez longuement dans Le sacre de l'amateur, ou la complémentarité possible des médias "traditionnels" et "alternatifs". Mais à ce moment-là, est-ce encore du journalisme ? ou autre chose ? 


Allez, soyons sérieux !

Le dossier s'ouvre sur une interview du journaliste Philippe Merlant par Christine Menzaghi, intitulée "Réconcilier les médias avec leur public". Plutôt en faveur d'une évolution des professionnels de la presse en fonction des nouvelles attentes des lecteurs/auditeurs/téléspectateurs, il y parle de son ouvrage : Médias, la faillite d'un contre-pouvoir. Il pense que les gens ne croient plus vraiment ce qui est dit dans les médias, et que les journalistes n'ont ni une connaissance suffisante de leur public, ni un assez grand attachement au média pour lequel ils travaillent. Quand aux différents journaux, leurs objectifs économiques les éloignent de leurs objectifs premiers. Dans cette interview, le tableau dépeint une vision un peu caricaturale de la situation, mais le livre, co-écrit avec Luc Châtel, est sans doute plus nuancé. Heureusement, des solutions existent ; un effort est attendu de la part des journalistes, au niveau de la qualité de l'information et de la prise en compte du public. Les médias citoyens interviennent alors comme un terrain d'entente et de dialogue entre les "professionnels" et les "amateurs", qui constituent également un public insatisfait potentiel. A nuancer aussi. 


Nathalie Dollé place ensuite le débat à l'échelle de l'UE dans l'article "Enjeux, défis et responsabilités de la presse en Europe". Elle rappelle que, depuis une vingtaine d'années, le fonctionnement de la presse a changé : il s'inscrit dans une logique économique peu compatible avec le professionnalisme du journaliste. Comment appliquer la déontologie lorsque l'information devient une marchandise plus ou moins vendeuse ? La profession évolue en tenant compte de ces paramètres : les pigistes se multiplient, au contraire des "permanents", réduisant l'investissement du journaliste, plus vraiment "attaché" au média pour lequel il travaille. Les reporters amateurs prennent aussi de l'ampleur et alimentent les journaux participatifs en prônant leur bonne foi _ et on veut bien les croire, puisqu'on sait tous n'ont rien à gagner en écrivant. Mais qu'en est-il alors de la qualité de l'information ? Les amateurs peuvent, faute de formation, la mettre à mal ; comment être en mesure de respecter les idéaux fondamentaux de la presse (indépendance, rigueur, transparence, impartialité, honnêteté dans le traitement de l'information) lorsqu'on n'y est pas formé ? Il faut de toute façon composer avec ces incertitudes, alors Nathalie Dollé souligne les possibles solutions déjà mises en oeuvre : le renforcement de l'éducation aux médias dans l'UE, la médiation entre public et rédactions, la réhabilitation des codes de déontologie par les journalistes professionnels. 
-> Un article du Monde datant de la même époque aborde la question de la précarité du statut de journaliste aujourd'hui. 



C'est toujours dans ce souci de qualité de l'information que Nathalie Dollé défend la création d'un conseil de presse, déjà largement mise en place dans les autres pays d'Europe : "La France finira-t-elle par se doter d'un conseil de presse ?" Il présenterait bien des avantages, car il amènerait forcément la réflexion sur le métier de journaliste. Mais cette instance est perçue comme un outil de censure pour beaucoup de lecteurs et de professionnels.

"_Ca va ? Tout le monde suit, jusque là ?
_Euh...." 

Raison de plus pour se pencher sur la manière de "former les artisans de la démocratie". Selon Loïc Hervouet, enseignant en éthique du journalisme, les étudiants de sa discipline ont tous une vision de leur futur métier qu'ils gagneraient à enrichir : concilier les apports théoriques souvent méprisés et la pratique "sur le terrain" serait alors la clé d'un journalisme défenseur de la démocratie et de la citoyenneté. Cela parait évident ? Peut-être, mais visiblement les choses ne se passent pas toujours de cette manière, en partie par manque de méthode et de connaissance de l'évolution du métier. Tiens, j'ai toujours pensé qu'on était bien calés _ voire trop..._ côté formation théorique, en France !


Pour clôturer ce dossier, Roland Cayrol nous fait une révélation : avec Internet, on ne s'informe pas de la même manière que lorsqu'on lit un journal ! Il ne dit pas que cela, heureusement, à Joël Roman qui recueille ses propos, il encourage aussi l'activité des amateurs : "Il faut obtenir que la participation citoyenne se mêle de l'information". L'internaute qui veut s'informer se concentre plus sur les dépêches, les successions d'événements, d'images, que sur la réflexion journalistique autour des informations lues. L'universitaire laisse entendre que les professionnels eux-même suivent le mouvement, et ne sont plus vraiment spécialistes des rubriques qu'ils alimentent. De leur côté, les lecteurs sont mieux armés pour forger leur propre jugement, car ils se méfient des politiques, des médias et des institutions en général. C'est pourquoi leur voix mérite plus que jamais d'être entendue lorsque les débats autour des médias et de l'information ont lieu. Roland Cayrol en profite pour rappeler l'importance d'une éducation aux médias pour tous. Voilà un dialogue intéressant à lire, mais qui me laisse perplexe sur deux points : tout d'abord, la dépêche n'est pas seulement une information sous forme simplifiée ; c'est aussi une information qui a la chance de ne pas être encore trop déformée par des médias sous influence. Pour beaucoup de personnes se réfèrent aux dépêches pour leur aspect "brut" plus que pour leur forme simplifiée. Ensuite, Roland Cayrol botte en touche un peu trop rapidement le problème des grands groupes de presse et de leur monopole sur l'information.


Si tous les contributeurs du dossier n'accordent pas la même importance aux médias citoyens ou à la voix des reporters amateurs, tous s'accordent pour valoriser l'éducation aux médias dès le plus jeune âge et sont en faveur d'une remise en question des professionnels de l'information sur leurs pratiques. 


Ouh, que de couleurs dans ce billet ! On se croirait sur un site Internet de 1997, le fond gris moucheté en moins !

"Dossier information et citoyenneté" (5 mai 2010) (dossier). Mediapart (blogs). 14p. [en ligne] Url : http://blogs.mediapart.fr/edition/societe-de-linformation-et-democratie/article/050510/dossier-de-reflexion-sur-la-qualit. Consulté le 31 août 2013. 


On se tente quelques descripteurs Motbis ? Il me semble  que ce dossier pourrait être lu par des lycéens...


Ou pas !

JOURNALISME / EDUCATION AUX MÉDIAS / DIFFUSION DE L'INFORMATION / MARCHE DE L'INFORMATION / EUROPE / 2010- / 


samedi 31 août 2013

Rencontre improbable à Aulnay-sous-Bois


Même si je ne vis pas encore pour de bon dans cette ville, une urgence matelas (ça arrive...) m'a poussée à me rendre à Aulnay en fin de matinée. Autant dire que l'affaire a été conclue en deux minutes, car j'avais bien envie de profiter de mon après-midi pour me fixer quelques repères avant la rentrée. Le petit parc dans lequel Bubulle et moi nous étions posées il y a une quinzaine de jours me parut être un bon point de départ, d'autant plus qu'il avoisinait une charmante bibliothèque de quartier. 

La bibliothèque Dumont : la classe !

Comme la salle de lecture ouvrait au public à partir de 14h, j'avais un peu de temps pour m'accaparer un banc, prendre des nouvelles du sud en passant quelques coups de fil, et continuer ma lecture poussive quoique intéressée des Aventuriers de la Mer T.6, "L'éveil des eaux dormantes". C'était sans compter la visite de courtoisie d'une Aulnaysienne d'un certain âge, abondamment fardée et passablement enrhumée. Plongée dans ma lecture, je ne l'avais pas entendu arriver.

"Vous lisez, mademoiselle ?

Non, je fais un bowling !

_ Oui...

J'adopte toujours une attitude de méfiance envers les gens qui viennent me parler comme à leur meilleur pote alors qu'ils ne m'ont jamais vue. Après tout, on me répète bien souvent que dans le 93, tout peut arriver... Cela dit, la dame en question n'a pas l'air bien dangereuse. Vêtue d'une veste cintrée noire et d'une mini jupe dans la même teinte, elle exhibe ses mollets pleins de crevasses et ses cheveux grillés d'une drôle de coloration.

_ Qu'est-ce que vous lisez ?

Elle a souligné ses paupières avec un crayon d'une couleur semblable à la couverture de "L'éveil des eaux dormantes" et à celle de beaucoup d'autres livres de poche de science fiction ou de fantasy. Afin de la dissuader de toute envie de converser, je lui parle de mon goût pour les Aventuriers de la Mer, pour l'Assassin Royal, de cette euphorie qui pourrait me rendre capable d'aller faire du hip hop en solo dans une arène vide telle un Maître Gims, lorsque l'un des tomes arrive dans ma boîte aux lettres.


Maître Gims - Bella - 2013
De gré ou de force, vous avez inévitablement entendu cette chanson au moins dix fois cet été.

Mais Robin Hobb et la littérature de jeunesse ne suffisent pas à la décourager. Elle a trop envie de me raconter sa vie, et la vie à Aulnay en général. 

_ Il n'est pas encore 14h ? J'attends quelqu'un pour 14h, mais j'ai peur qu'il ne vienne pas. A vrai dire, j'attends un groupe de personnes. Vous attendez quelqu'un, vous ? 

_ Non, je n'attends personne, et il n'est que 13h30. Mais ne vous en faites pas, ils vont arriver. 

_ Oh je ne sais pas. Ils doivent venir, normalement. Ils viennent toujours, là, sur ce banc où vous êtes. Mais ils n'y sont pas aujourd'hui. C'est un groupe d'amis, et parmi eux, il y en a un qui me plaît. 

_ ... 

_ Vous pensez qu'il va pleuvoir ? Parce qu'il m'a dit qu'il viendrait sûrement, sauf en cas de pluie. 

_ C'est couvert, mais ça l'est depuis ce matin, et il n'est pas tombé une goutte...

_ Vous êtes gentille. Mais j'ai quand même peur qu'il me pose un lapin. Vous savez, sa femme sait que je lui tourne autour, alors elle l'aura sans doute empêché de sortir cet après-midi. 

_ Il ne vous a pas donné son numéro ? 

_ Non, mais il a le mien. Vous savez, il n'est pas très entreprenant. C'est le genre d'homme qui se fait dominer par sa femme. Elle le surveille tout le temps. Vous savez, à notre âge, quand on a un homme, on fait tout pour le garder... 

Je ne crois pas une seconde en l'existence de cette personne ; mais je n'ai pas envie de la contrarier alors je joue le jeu. La réalité est bien assez dure comme ça. Deux papys entrent dans le parc, promenant leur chien. 

_ C'est peut-être lui... 

Elle s'avance de quelques pas, comme pour aller à leur rencontre. "Ah non. Je croyais." Il serait bien fâcheux de se tromper d'amant. Elle se rassoit à côté de moi et reprend l'interrogatoire : "d'où vient votre accent ?", "c'est bourgeois, Bordeaux, non ?", "Juppé, il est bien comme maire?", "est-ce que vous vivez ici ?"

_ Oui, vous avez raison de vous promener de ce côté de la ville, y a moins de racaille. Il vaut mieux que vous habitiez ici plutôt que plus haut, dans la cité. Quoique lorsque la nuit tombe, il ne faut plus se promener nulle part, et éviter au maximum de mettre des minijupes. Parce que vous êtes jeunes, et que votre petit sac, là, ils vont essayer de vous le piquer. Vous savez qu'une jeune fille s'est faite violer ici-même l'année dernière, un soir ? Elle faisait son jogging... Evitez de trop aller du côté de la gare RER le soir aussi, c'est mal fréquenté... 

En même temps, la ville où le quartier de la gare est idyllique, où on peut courir dans la nuit en toute sécurité et où les vols à la tire ne se sont jamais produits n'existe pas. C'est du moins ce que j'essaie de me dire tandis qu'elle me déballe un catalogue d'événements plus ou moins louches. Par chance, un retraité bedonnant en polo de rugby passe derrière nous, l'air décidé. 

_ C'est lui ! 

L'homme se retourne et se reconnaît dans l'exclamation de l'Aulnaysienne. C'était donc vrai ! 

_ J'ai bien cru que tu allais me poser un lapin ! 

_ Non, je t'avais dit que je viendrais. J'ai essayé de t'appeler mais je n'ai pas réussi à t'avoir ! 

_ Oui, il y a un problème avec ma box, ça marche une fois sur deux. Mais je n'ai pas trouvé le temps long, car j'ai discuté avec une jeune fille en t'attendant. Comment vous appelez-vous, mademoiselle ? 

_ Adeline. 

_ Oh, c'est mignon ! Venez boire un café avec nous, Adeline ! 

L'idée m'a tentée une seconde, ça aurait pu être drôle. Puis le remords m'a pris : si c'était pour me moquer d'eux plus qu'autre chose, ce n'était pas la peine.  

_ Non, je préfère vous laisser tranquilles ! 

_ Comme vous voudrez, Adeline ! Si vous passez par là, on se reverra sûrement ! Alors à bientôt... 

Surexcitée comme une gamine, la femme tournait autour du papy de ses rêves en le guidant vers le bar qui se dessinait derrière les grilles du parc.  
     






lundi 19 août 2013

Petit D'Artagnan


mercredi 31 juillet 2013

Pavés en perspective

Photo de 20minutes.fr, les travaux de rénovation place de la Victoire à Bordeaux


En ce moment je ne peux pas trop écrire ici car je suis trop occupée, mais attendez-vous à une explosion de billets-pavés dès que l'occasion se présentera !

jeudi 11 juillet 2013

Les Aventuriers de la Mer - 5 - Prisons d'eau et de bois - Robin Hobb (2005)


La période des grandes émotions étant terminée (ou presque), reprenons le cours de nos lectures préférées avec le tome 5 des Aventuriers de la mer de Robin Hobb : "Prisons d'eau et de bois". Si ce volume approfondit la psychologie et l'évolution des personnages, je crains que l'action y ait un peu trop stagné pour que je parvienne à le synthétiser clairement. Essayons tout de même.   

Les illustrations de Gilles Francescano sont vraiment  agréables à regarder ; c'est exactement sous ces traits que j'imaginais Parangon. 

Où est-ce qu'on en était ? 

Alors que le Gouverneur Cosgo s'apprête à rejoindre Terrilville pour mieux y asseoir son pouvoir, la ville se laisse peu à peu gagner par une fièvre mêlée de colère, de peur et d'angoisse du lendemain. Aux querelles intestines opposant les "Premiers" Marchands aux "Nouveaux", moins soucieux des protocoles et plus prompts à se salir les mains, s'ajoutent les mauvaises nouvelles apportées par ceux qui viennent d'entrer au port. Tenira est furieux d'avoir été attaqué par une galère chalcède pour avoir refusé de payer une taxe infligée pour un motif pas clair ; Brashen vient annoncer aux Vestrit que leur vivenef a été capturée par les pirates, et que personne ne sait ce qu'est devenu l'équipage. A la demande générale, le Conseil des Marchands se réunit pour prendre des décisions et rétablir le calme dans la contrée, mais il provoquera un effet inverse ! 

Le quotidien à bord de la Vivacia en serait presque idyllique ! Pourtant, le futur est en train de s'y jouer de fort belle manière pour le capitaine Kennit qui tient toutes les ficelles : il vient de convaincre la vivenef de se rallier à la cause des pirates massacreurs de navires esclavagistes. Le forban sait que la figure de proue est assez éprise de lui pour l'emmener où il le souhaite, sans poser trop de questions. Parce qu'il sait aussi qu'on peut obtenir beaucoup en jouant avec les sentiments des hommes, il entretient la rivalité entre Etta et Vivacia tout en essayant de modifier les rapports que Hiémain entretient avec l'une et l'autre. Tordu, n'est-ce pas ?     

Avec l'accord des Vestrit, Ambre, Brashen et Althéa se lancent dans la rénovation du Parangon, le navire maudit abandonné par les Ludchance, pour le remettre à flot : ils comptent l'utiliser pour partir à la recherche de la Vivacia.  


Dans la tête 

La série des Aventuriers de la Mer prend donc une dimension psychologique d'autant plus flagrante qu'à Terrilville, l'action laisse place aux discours, aux débats et aux prises de bec plus ou moins plus ou moins stériles. Certains pourraient s'ennuyer et se perdre dans les réunions de famille et les rassemblements de marchands si l'ensemble n'était pas aussi agréable à lire : chapeau à l'auteur et au traducteur encore une fois ! Cela dit, j'ai bizarrement moins apprécié cette cinquième partie _ et deuxième partie de Mad Ship, deuxième volet dans l'édition originale. Sans doute est-ce parce que je n'arrive décidément pas à m'attacher à Althéa ; pourtant, une héroïne à la fois forte, torturée et si peu soucieuse des représentations sociales de la féminité ne   peut que plaire ! On notera cependant l'intention louable de Robin Hobb dans la valorisation de ce personnage de plus en plus discriminé pour ses allures trop prononcées de mec, et qui pourtant s'y accroche et les revendique. Car si Althéa refuse constamment les avances de Grag, c'est bien sûr parce qu'elle espère bien se récupérer Brashen un jour, mais aussi parce qu'elle sait très bien que le futur capitaine de l'Ophélie la considérera toujours comme une femme telle qu'elle est définie à Terrilville : faible, vêtue de robes et ornée de bijoux et faite pour la vie à terre par dessus tout.

Althéa voudrait une vie de ce type ...
... mais Grag Tenira préférerait ça !
Parlons-en, de Brashen ! Le jeu du chat et de la souris entre Althéa et lui devient un peu lassant ! J'espère que la suite des événements justifiera qu'on en ait laissé autant de place à leurs fières âmes torturées ! A moins que ma relecture de Beaucoup de bruit pour rien (Shakespeare) m'ait rendue plus exigeante en matière de dissimulation de sentiments ?

Entre Parangon qui chouine en sabotant ses travaux de rénovation, sa propriétaire Amis Ludchance qui vient l'insulter comme un poisson pourri _ à tort ou à raison ? on ne le sait pas encore.., Brashen qui pique ses crises de jalousie, Althéa qui fait du boudin et Ambre qui passe ton temps à calmer le jeu, on ne s'en sort plus !

Autant aller sur la Vivacia, ils sont plus pervers mais moins agaçants. On décèle chez le capitaine Kennit les étonnantes qualités d'un manipulateur qu'on ne peut détester _ mais n'est-ce pas là, justement, l'un des gages d'efficacité d'un manipulateur ? Folle de lui, la vivenef plonge bien volontiers dans la piraterie ; Sorcor est toujours aussi pétrifié d'admiration. Etta l'aime d'autant plus qu'il feint la tendresse en sa présence. Seul Hiémain lui résiste, mais pour combien de temps ? Le rallier à sa cause pour mener à bien ses projets personnels est sans doute pour Kennit un jeu de patience comme un autre. Pour l'instant on ne peut que le supposer, car toutes les clefs de lecture du pirate ne sont pas encore en notre possession.      


Hobb, Robin. Les aventuriers de la mer. "Prisons d'eau et de bois". Paris. France Loisirs. Coll. "Piment". 2005. 365 p. ISBN 2-7441-7725-3 


mardi 9 juillet 2013

Ambre au Conseil des Marchands


"Son expression n'était pas aimable, mais elle ne regardait ni Althéa ni Brashen : elle foudroyait Davad Restart de ses yeux jaunes de chat." Robin Hobb, trad. Véronique David-Marescot, Les Aventuriers de la mer 5 : Prisons d'eau et de bois.
Comme vous pouvez le voir, je n'avais pas de jaune. 

jeudi 4 juillet 2013

Du jour au lendemain (18 mai 2012) : François Boddaert


Voici un résumé de l'entretien entre le journaliste Alain Vinstein et l'auteur François Boddaert, pour le compte de l'émission Du jour au lendemain, diffusée sur France Culture. Le numéro du 18 mai 2012, que vous pouvez écouter sur le site de la radio, met à l'honneur le premier roman d'un éditeur plutôt habitué à publier des essais et des recueils de poèmes. Parfois proche de la chronique, Dans la ville ceinte peint la vie déclinante d'une petite ville à travers l'oeil d'un narrateur qui la redécouvre après plusieurs années d'absence.  

Fini de rigoler ! D'ailleurs, ce logo entraîne inévitablement ....
celui-là ! Soyons sérieux ! 

En écrivant Dans la ville ceinte, François Boddaert a voulu laisser une trace écrite de Sens, sa ville natale : après tout, Mallarmé n'est pas le seul à y être passé ! Si le poète-éditeur contemporain s'est depuis exilé à Paris pour ses études, il a pris soin de revenir de l'Yonne et de s'installer à proximité de sa bourgade d'origine.

Alain Vinstein l'interroge rapidement sur la relation entre la poésie et l'édition, qu'on devine difficile : les recueils de poèmes sont souvent moins diffusés, moins achetés, ils ne représentent pas une priorité pour les éditeurs. Or, François Boddaert est un ardent défenseur de la poésie, car elle joue, à son avis, un rôle social et économique sous-estimé et peu exploité. Quant à sa fonction d'éditeur, elle n'est rien moins pour lui qu'un second travail d'écrivain puisqu'elle appelle un dialogue constant avec les auteurs et une remise en question perpétuelle de son propre travail d'écriture.

Peu aguerri à ce nouvel exercice, le poète a composé son premier roman dans la douleur, si j'ai bien compris. Lui qui était plutôt connu pour ses recueils et pour la publication d'un Essai sur la littérature a du se trouver de nouvelles méthodes de travail. Dans la ville ceinte lui trotte dans la tête depuis 1978, et il l'a réécrit trois fois. Si François Boddaert écrit vite, il aime « laisser reposer » ses oeuvres quelques temps pour les retoucher ensuite.


Comme pour le pain !
A la question « Qu'est-ce qui entre dans la composition d'un livre ? », l'auteur répond : « Tout ce qui m'a concerné. » Contrairement à ce que l'on pourrait croire à la lecture de cette réponse, l'habitant de Sens n'a pas souhaité publier une autobiographie. Si beaucoup de personnages de Dans la ville ceinte sont empreints des traits de caractères de personnalités locales ayant vraiment existé, Boddaert veut à tous prix se détacher de son village natal. Transformer la réalité, créer une « ville parallèle » à Sens qu'il baptise « Icaune », donne lieu à une introspection mêlée à la création. C'est une manière de se retrouver à travers des lieux traversés sans pour autant parler de lui, avant de définitivement tirer un trait sur son passé. Dans le roman, le retour aux sources du narrateur douze ans après son départ aboutit inévitablement sur un constat : la ville a changé, la maison familiale va être vendue, il a évolué, et par conséquent plus rien ne le rattache à son passé. La ville telle qu'il la voyait est morte.

Les personnages, partiellement imaginaires donc, connaissent tous une forme de déchéance, à laquelle l'auteur remédie par l'ironie et par l'humour en prenant soin de laisser le pessimisme derrière lui ; ses références sont d'ailleurs Diderot et Balzac. Les figures d'Icaune (et non pas de Sens) sortent des normes. Léon, le médecin, fait partie de l'histoire d'une ville sur le déclin, dont il est prisonnier. Cet alcoolique admirateur de Céline est à la fois attachant et redoutable ; il a un statut bien particulier dans l'ouvrage, puisqu'il représente la vie, la science, tout en manifestant une grande amitié pour les artistes locaux que sont le poète _ inspiré du cordonnier de Sens, et le peintre. A l'équipe s'ajoute le libraire, un homme convaincu que le livre n'est pas un objet parmi d'autres, dans un temps où le métier ne donnait pas lieu à autant de pression économique qu'aujourd'hui ; il vend aussi des BD, et fait référence à Astérix.

Le temps est un autre personnage principal ; ici, il sera question du temps « qui est passé » plus que du temps « qui passe ». La cathédrale, par exemple, n'a pas changé malgré l'évolution globale du lieu ; pourtant, le narrateur la contemple et se rend compte qu'il ne la connaît pas. En fait, il serait plus juste de dire qu'il la contemple avec des yeux différents.


Bon, c'est bien la première fois que j'écris un billet sur un ouvrage que je n'ai pas lu ! Qu'est-ce qui est le plus désagréable ? La sensation de frustration de n'avoir pas lu un livre sans doute intéressant mais relativement introuvable, ou l'impression d'avoir mal interprété un ouvrage et un auteur qui me sont inconnus ? La seconde option, sans doute, car parler d'un sujet qu'on ne maîtrise pas amène à des erreurs grossières, forcément. Il parait que Pierre Bayard donne des clés pour réussir cet exercice difficile dans Comment parler des livres que l'on n'a pas lus... mais je l'ai pas lu !! :-)

La fiche du roman sur le site de la maison d'édition Le temps qu'il fait

BODAERT, François. Dans la ville ceinte. Bazas, Le temps qu'il fait. 2012. 297 p. ISBN 978-2-86853-567-2