La période des grandes émotions étant terminée (ou presque), reprenons le cours de nos lectures préférées avec le tome 5 des Aventuriers de la mer de Robin Hobb : "Prisons d'eau et de bois". Si ce volume approfondit la psychologie et l'évolution des personnages, je crains que l'action y ait un peu trop stagné pour que je parvienne à le synthétiser clairement. Essayons tout de même.
Les illustrations de Gilles Francescano sont vraiment agréables à regarder ; c'est exactement sous ces traits que j'imaginais Parangon. |
Où est-ce qu'on en était ?
Alors que le Gouverneur Cosgo s'apprête à rejoindre Terrilville pour mieux y asseoir son pouvoir, la ville se laisse peu à peu gagner par une fièvre mêlée de colère, de peur et d'angoisse du lendemain. Aux querelles intestines opposant les "Premiers" Marchands aux "Nouveaux", moins soucieux des protocoles et plus prompts à se salir les mains, s'ajoutent les mauvaises nouvelles apportées par ceux qui viennent d'entrer au port. Tenira est furieux d'avoir été attaqué par une galère chalcède pour avoir refusé de payer une taxe infligée pour un motif pas clair ; Brashen vient annoncer aux Vestrit que leur vivenef a été capturée par les pirates, et que personne ne sait ce qu'est devenu l'équipage. A la demande générale, le Conseil des Marchands se réunit pour prendre des décisions et rétablir le calme dans la contrée, mais il provoquera un effet inverse !
Le quotidien à bord de la Vivacia en serait presque idyllique ! Pourtant, le futur est en train de s'y jouer de fort belle manière pour le capitaine Kennit qui tient toutes les ficelles : il vient de convaincre la vivenef de se rallier à la cause des pirates massacreurs de navires esclavagistes. Le forban sait que la figure de proue est assez éprise de lui pour l'emmener où il le souhaite, sans poser trop de questions. Parce qu'il sait aussi qu'on peut obtenir beaucoup en jouant avec les sentiments des hommes, il entretient la rivalité entre Etta et Vivacia tout en essayant de modifier les rapports que Hiémain entretient avec l'une et l'autre. Tordu, n'est-ce pas ?
Avec l'accord des Vestrit, Ambre, Brashen et Althéa se lancent dans la rénovation du Parangon, le navire maudit abandonné par les Ludchance, pour le remettre à flot : ils comptent l'utiliser pour partir à la recherche de la Vivacia.
Dans la tête
La série des Aventuriers de la Mer prend donc une dimension psychologique d'autant plus flagrante qu'à Terrilville, l'action laisse place aux discours, aux débats et aux prises de bec plus ou moins plus ou moins stériles. Certains pourraient s'ennuyer et se perdre dans les réunions de famille et les rassemblements de marchands si l'ensemble n'était pas aussi agréable à lire : chapeau à l'auteur et au traducteur encore une fois ! Cela dit, j'ai bizarrement moins apprécié cette cinquième partie _ et deuxième partie de Mad Ship, deuxième volet dans l'édition originale. Sans doute est-ce parce que je n'arrive décidément pas à m'attacher à Althéa ; pourtant, une héroïne à la fois forte, torturée et si peu soucieuse des représentations sociales de la féminité ne peut que plaire ! On notera cependant l'intention louable de Robin Hobb dans la valorisation de ce personnage de plus en plus discriminé pour ses allures trop prononcées de mec, et qui pourtant s'y accroche et les revendique. Car si Althéa refuse constamment les avances de Grag, c'est bien sûr parce qu'elle espère bien se récupérer Brashen un jour, mais aussi parce qu'elle sait très bien que le futur capitaine de l'Ophélie la considérera toujours comme une femme telle qu'elle est définie à Terrilville : faible, vêtue de robes et ornée de bijoux et faite pour la vie à terre par dessus tout.
Althéa voudrait une vie de ce type ... |
... mais Grag Tenira préférerait ça ! |
Entre Parangon qui chouine en sabotant ses travaux de rénovation, sa propriétaire Amis Ludchance qui vient l'insulter comme un poisson pourri _ à tort ou à raison ? on ne le sait pas encore.., Brashen qui pique ses crises de jalousie, Althéa qui fait du boudin et Ambre qui passe ton temps à calmer le jeu, on ne s'en sort plus !
Autant aller sur la Vivacia, ils sont plus pervers mais moins agaçants. On décèle chez le capitaine Kennit les étonnantes qualités d'un manipulateur qu'on ne peut détester _ mais n'est-ce pas là, justement, l'un des gages d'efficacité d'un manipulateur ? Folle de lui, la vivenef plonge bien volontiers dans la piraterie ; Sorcor est toujours aussi pétrifié d'admiration. Etta l'aime d'autant plus qu'il feint la tendresse en sa présence. Seul Hiémain lui résiste, mais pour combien de temps ? Le rallier à sa cause pour mener à bien ses projets personnels est sans doute pour Kennit un jeu de patience comme un autre. Pour l'instant on ne peut que le supposer, car toutes les clefs de lecture du pirate ne sont pas encore en notre possession.
Hobb, Robin. Les aventuriers de la mer. "Prisons d'eau et de bois". Paris. France Loisirs. Coll. "Piment". 2005. 365 p. ISBN 2-7441-7725-3
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