Voici un résumé de l'entretien entre le journaliste Alain Vinstein et l'auteur François Boddaert, pour le compte de l'émission Du jour au lendemain, diffusée sur France Culture. Le numéro du 18 mai 2012, que vous pouvez écouter sur le site de la radio, met à l'honneur le premier roman d'un éditeur plutôt habitué à publier des essais et des recueils de poèmes. Parfois proche de la chronique, Dans la ville ceinte peint la vie déclinante d'une petite ville à travers l'oeil d'un narrateur qui la redécouvre après plusieurs années d'absence.
Fini de rigoler ! D'ailleurs, ce logo entraîne inévitablement .... |
celui-là ! Soyons sérieux ! |
En
écrivant Dans la ville ceinte, François Boddaert a voulu
laisser une trace écrite de Sens, sa ville natale : après tout,
Mallarmé n'est pas le seul à y être passé ! Si le poète-éditeur
contemporain s'est depuis exilé à Paris pour ses études, il a pris
soin de revenir de l'Yonne et de s'installer à proximité de sa
bourgade d'origine.
Alain Vinstein l'interroge rapidement sur la relation entre la poésie et
l'édition, qu'on devine difficile : les recueils de poèmes sont
souvent moins diffusés, moins achetés, ils ne représentent pas une
priorité pour les éditeurs. Or, François Boddaert est un ardent
défenseur de la poésie, car elle joue, à son avis, un rôle social
et économique sous-estimé et peu exploité. Quant à sa fonction
d'éditeur, elle n'est rien moins pour lui qu'un second travail
d'écrivain puisqu'elle appelle un dialogue constant avec les auteurs
et une remise en question perpétuelle de son propre travail
d'écriture.
Peu
aguerri à ce nouvel exercice, le poète a composé son premier roman
dans la douleur, si j'ai bien compris. Lui qui était plutôt connu pour ses recueils et
pour la publication d'un Essai sur la littérature a du
se trouver de nouvelles méthodes de travail. Dans la ville ceinte
lui trotte dans la tête depuis 1978, et il l'a réécrit trois
fois. Si François Boddaert écrit vite, il aime « laisser
reposer » ses oeuvres quelques temps pour les retoucher
ensuite.
Comme pour le pain ! |
A la
question « Qu'est-ce qui entre dans la composition d'un livre
? », l'auteur répond : « Tout ce qui m'a concerné. »
Contrairement à ce que l'on pourrait croire à la lecture de cette
réponse, l'habitant de Sens n'a pas souhaité publier une
autobiographie. Si beaucoup de personnages de Dans la ville ceinte
sont empreints des traits de caractères de personnalités
locales ayant vraiment existé, Boddaert veut à tous prix se détacher
de son village natal. Transformer la réalité, créer une « ville
parallèle » à Sens qu'il baptise « Icaune »,
donne lieu à une introspection mêlée à la création. C'est une
manière de se retrouver à travers des lieux traversés sans pour
autant parler de lui, avant de définitivement tirer un trait sur son
passé. Dans le roman, le retour aux sources du narrateur douze ans
après son départ aboutit inévitablement sur un constat : la ville
a changé, la maison familiale va être vendue, il a évolué, et par
conséquent plus rien ne le rattache à son passé. La ville telle
qu'il la voyait est morte.
Les
personnages, partiellement imaginaires donc, connaissent tous une
forme de déchéance, à laquelle l'auteur remédie par l'ironie et
par l'humour en prenant soin de laisser le pessimisme derrière lui ;
ses références sont d'ailleurs Diderot et Balzac. Les figures
d'Icaune (et non pas de Sens)
sortent des normes. Léon, le médecin, fait partie de l'histoire
d'une ville sur le déclin, dont il est prisonnier. Cet alcoolique
admirateur de Céline est à la fois attachant et redoutable ; il a
un statut bien particulier dans l'ouvrage, puisqu'il représente la
vie, la science, tout en manifestant une grande amitié pour les
artistes locaux que sont le poète _ inspiré du cordonnier de Sens,
et le peintre. A l'équipe s'ajoute le libraire, un homme convaincu
que le livre n'est pas un objet parmi d'autres, dans un temps où le
métier ne donnait pas lieu à autant de pression économique
qu'aujourd'hui ; il vend aussi des BD, et fait référence à
Astérix.
Le
temps est un autre personnage principal ; ici, il sera question du
temps « qui est passé » plus que du temps « qui
passe ». La cathédrale, par exemple, n'a pas changé malgré
l'évolution globale du lieu ; pourtant, le narrateur la contemple et
se rend compte qu'il ne la connaît pas. En fait, il serait plus
juste de dire qu'il la contemple avec des yeux différents.
La fiche du roman sur le site de la maison d'édition Le temps qu'il fait.
BODAERT, François. Dans la ville ceinte. Bazas, Le temps qu'il fait. 2012. 297 p. ISBN 978-2-86853-567-2
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