Victime d'une bouffée de nostalgie après ma lecture de Liam et la carte d'éternité, premier tome de sa série à succès Le Manoir, j'ai poursuivi une (re)découverte non exhaustive de l'oeuvre d'Evelyne Brisou-Pellen. Ce fut l'occasion de tomber sur un petit roman historique publié en 2002 : Les enfants d'Athéna.
Vous seriez pas un peu stressés, les loulous ? |
A Athènes au V°siècle avant J.-C, tout le monde n'a pas la chance d'être un fils de citoyen et de vivre dans une belle maison entretenue par des esclaves. Néèra, Daméas et Stéphanos en font l'expérience lorsqu'ils doivent prendre la fuite, suite à l'assassinat de leurs parents. Jusque là, les trois enfants coulaient une existence paisible auprès de leur jeune mère et de leur père, Alexos le maître potier ; même si les aînés de la fratrie sentaient planer une sourde menace. "Si vous apprenez ma mort, partez vite pour Eleusis, chez Gorgias, le fabriquant de lyres", leur avait dit le digne citoyen du dème de Céramique. L'artiste ne parlait pas dans le vent : c'est la tête retournée par la tristesse, par la peur et par de nombreuses questions sans réponses que Daméas prend la tête de l'expédition. Pourquoi leurs parents ont-ils été tués ? Quel est ce secret qu'il devrait connaître mais que son père n'a pas eu le temps de lui transmettre ? Qui va honorer les rites funéraires en son absence ?
Les voilà partis à la recherche de ce fameux Gorgias.
Les voilà partis à la recherche de ce fameux Gorgias.
Bienvenue chez les Grecs (de l'Antiquité) !
Toujours munie de la plume didactique qui lui est chère lorsqu'elle mêle la petite histoire à la grande, Evelyne Brisou-Pellen nous plonge dans l'univers de la Grèce antique. Elle utilise pour ce faire le regard de ces trois enfants tellement bien protégés jusqu'au drame familial, qu'ils n'en savent pas beaucoup plus que nous, lecteurs du XXI° siècle, sur leur propre société. Le procédé de l'auteur est efficace : on comprend vite que la vie quotidienne des Athéniens et de leurs voisins ne se résumait pas à boire du vin, chanter, ou courir à poil dans des stades. Aussi, même à l'apogée d'Athènes, où la notion de démocratie s'épanouit, d'importantes franges de la population ont intérêt à ne pas trop se faire remarquer ; parmi elles, les femmes, les esclaves, les étrangers et les paysans.
"Ah ben on est pas près de dormir sous cette tente, hein !" Récolte des olives représentée sur une amphore grecque. Vulci. Vers 520 av. J.-C. |
Dans ce livre, Néèra est la première à faire des frais du patriarcat local : Daméos considère ouvertement sa soeur comme une bonne à rien et refuse de la solliciter quand une décision importante doit être prise. Elle-même n'ose pas s'imposer de peur de marcher sur les plates bandes de ceux qui ont le droit d'ouvrir leur gueule... Dommage qu'elle ne cherche pas tant que cela à s'extirper de son rôle de future pondeuse et qu'elle accepte son sort avec tant de conformisme. Mais n'est-ce pas le lot d'un grand nombre de filles conditionnées par leur éducation, encore aujourd'hui et partout dans le monde ? Voilà un aspect des Enfants d'Athéna qui gagnerait à être relu et approfondi en classe. D'ailleurs, sa rencontre avec Talos, l'ennemi spartiate, l'étranger, bouh! lui ouvrira les yeux : chez lui les femmes peuvent aussi être des guerrières et leur parole est écoutée. A la fin du roman, le jeune homme lui permettra peut-être d'échapper à cette existence de mère au foyer qui ne l'attire guère... après l'avoir monnayée..
Pourquoi pas, puisque donner de l'argent contre un être humain ne choque personne à Athènes : ça s'appelle tout bonnement l'esclavage. Au temps où les affaires tournaient bien, Alexos avait lui-même un paquet de serviteurs à la maison et à l'atelier _oh, très bien traités, selon les enfants. Les jeunes lecteurs réaliseront quelle importante part de la société représentaient ces femmes et ces hommes venus de loin ou simplement mal nés. Là encore, le parallèle pourra être fait avec bien d'autres civilisations, à des époques plus proches de leur présent.
Étaient susceptibles, entre autres, de devenir esclaves : les enfants "exposés", c'est à dire abandonnés par leurs parents biologiques pour des raisons diverses. Bien sûr, ils pouvaient aussi être adoptés par une famille, comme ce fut le cas de Stéphanos : tout n'était que question de chance et signes des dieux !
Pourquoi pas, puisque donner de l'argent contre un être humain ne choque personne à Athènes : ça s'appelle tout bonnement l'esclavage. Au temps où les affaires tournaient bien, Alexos avait lui-même un paquet de serviteurs à la maison et à l'atelier _oh, très bien traités, selon les enfants. Les jeunes lecteurs réaliseront quelle importante part de la société représentaient ces femmes et ces hommes venus de loin ou simplement mal nés. Là encore, le parallèle pourra être fait avec bien d'autres civilisations, à des époques plus proches de leur présent.
Étaient susceptibles, entre autres, de devenir esclaves : les enfants "exposés", c'est à dire abandonnés par leurs parents biologiques pour des raisons diverses. Bien sûr, ils pouvaient aussi être adoptés par une famille, comme ce fut le cas de Stéphanos : tout n'était que question de chance et signes des dieux !
WTF ? C'est le nom d'une équipe d'airsoft, apparemment... |
Où est le canasson ?
Eh oui vous l'attendez tous, la vieille carnasse qui justifie le titre de ce billet ! Elle arrive, ne vous en faites pas ! Au tout début de leur escapade, les trois enfants se rendent chez Gorgias ; malheureusement, ils arrivent trop tard : l'homme a été assassiné avant de pouvoir les prendre en charge. Sa femme les encourage à continuer leur route vers Corinthe où un certain Samion pourra les protéger de leurs poursuivants. A la nuit, ils sont hébergés par un couple de paysans mal intentionnés et heureux propriétaires d'une ânesse qu'ils maltraitent. Le petit Stéphanos est outré par leur méchanceté à l'égard de la bête ; heureusement, grâce à son don de communication avec les animaux, il va savoir que l'ânesse "Chrysilla" _ puisque c'est ainsi qu'ils l'ont nommée_ compte bien les accompagner dans leur aventure.
Photo piquée ici : http://www.caradisiac.com/Dans-le-91-une-anesse-vient-remplacer-le-camion-poubelle-91268.htm |
Les aînés sont d'abords très réticents à s'encombrer d'un animal, avant de revoir leur jugement : un âne est un attribut du marchand ou du paysan, non du citoyen. Il représente donc pour eux un excellent camouflage. De plus, Chrysilla annonce les changements de temps en marchant de travers à l'approche de l'orage, par exemple : ça peut servir, au cours d'un voyage initiatique tel que celui des trois enfants d'Alexos et de leur copain le Spartiate. Plus intéressant encore, elle se montre décisive en expédiant en enfer un ennemi des enfants, d'une simple ruade : pratique aussi ! Enfin, Talos la soustraira à ses nouveaux propriétaires... pour avoir un prétexte de reprendre contact avec eux en la restituant. Ici, l'ânesse est vraiment le catalyseur de l'action, même si elle nous est présentée comme un personnage secondaire, rarement placé au premier plan. En temps que fidèle protectrice des gentils enfants et parce qu'elle est dotée d'un coup de sabot meurtrier, Chrysilla gagne la carte Hearthstone "Chevalier de guerre cuirassé". Parce qu'elle le vaut bien !
Edition utilisée :
BRISOU-PELLEN, Evelyne. Les enfants d'Athéna. Le Livre de Poche Jeunesse, 2007. Coll. "Roman historique". 224 p. ISBN 978-2-01-321973-0
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