lundi 10 août 2015

Soyons sérieux ! Valoriser le patrimoine culturel de la France - Françoise Benhamou ; David Thesmar (2011)


Parce qu'il ne faut pas perdre la main !



Le passage à Paris de l'exposition itinérante "Lascaux 3" m'a fait repenser à un rapport de 2011 sur la valorisation du patrimoine dont on avait parlé en formation interdisciplinaire, pendant mon année de stage. Pour rappel, le projet "Lascaux 3" vise à faire connaître de manière virtuelle une partie de la grotte qui n'est pas accessible au public ; pour tous ceux qui n'ont pas la possibilité d'aller voir de fac-simile de la grotte situé dans les fins fonds du Périgord, juste à côté de la vraie, c'est l'occasion de découvrir une facette de l'art et de la culture. Accessoirement, les reproductions de parois et d'oeuvres d'arts, les vidéos, les photos et les activités proposées aux visiteurs peuvent aussi donner envie d'y aller pour de vrai. Et à mon sens c'est justement un exemple de valorisation du patrimoine.

En 2011, Françoise Benhamou, spécialisée dans l'économie de la culture, et David Thesmar, économiste, ont dressé un rapport de l'implication de l'Etat dans la valorisation du patrimoine culturel en France. Ce travail d'étude, intitulé très précisément Valoriser le patrimoine culturel de la France, a été mené pour le compte du Conseil d'Analyse Economique*, et a été présenté à Frédéric Mitterrand, le Ministre de la Culture de l'époque. Il est consultable sur le site de l'ENSSIB.


Le rapport en question 

Les auteurs de ce rapport veulent démontrer que l'Etat a tout intérêt à s'investir dans la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel, car si elles engendrent forcément des dépenses, elles peuvent aussi être un tremplin économique majeur. On pense notamment aux secteurs du tourisme et de la culture, pour lesquels l'augmentation de la fréquentation d'un lieu protégé aura un impact sur la création d'emplois et pourra développer l'attractivité de la région. Cette participation des politiques publiques sera bien sûr financière, mais pas uniquement, et pas exclusivement sous forme de subventions distribuées aux musées et aux autres lieux de culture. Pour pouvoir participer efficacement à la promotion du patrimoine et être en mesure de faire des propositions, il convient tous d'abord de savoir ce qu'on entend par ce terme, puis de l'observer en tant que secteur de l'économie à part entière.



Dans une première partie, on nous apporte une définition du patrimoine, qu'on résumera simplement ici à "ce qu'une Nation entend conserver pour les générations futures". On distingue notamment le "patrimoine tangible" (bâtiments, collections nationales, musées, oeuvres, fonds, quartiers de villes, sites naturels, sites archéologiques...) du patrimoine immatériel (savoir-faire, métiers d'art...).

Françoise Benhamou et David Thesmar nous apprennent comment procèdent les experts, le public et l'UNESCO pour qu'un monument ou un lieu particulier devienne (ou pas) "un morceau" du patrimoine culturel, puisque ce n'était pas sa fonction première : on ne construit pas un bâtiment dans l'idée qu'il sera classé plus tard. Bien qu'on ait du mal à se la représenter, et bien qu'on reconnaisse ses valeurs scientifique, historique, scientifique, le patrimoine est un bien économique ; il a une valeur marchande. Par exemple, les monuments gagnent en valeur lorsqu'ils sont classés. Mais c'est surtout l'interaction patrimoine - tourisme qui est déterminante pour la consommation des visiteurs et pour l'emploi dans le secteur du tourisme.


Pourquoi l'Etat devrait-il intervenir dans le fonctionnement économique du patrimoine ? On sait que, de manière plus générale, sa participation est de rigueur lorsqu'une entreprise ne peut plus fonctionner seule, de façon à ce que cette entreprise puisse de nouveau suivre la loi du marché. Est-ce le cas du patrimoine culturel français ? Oui, pour deux raisons notamment : les monuments culturels ne sont pas en concurrence, donc la logique de marché ne fonctionne pas ; ensuite, on ne peut pas compter seulement sur les visiteurs d'un musée pour le financer sur la durée. Une aide de l'Etat est donc nécessaire, et une réorganisation d'une collaboration tourisme - culture est à envisager : en effet, le secteur du tourisme peut bénéficier du succès d'un monument historique, d'un parc naturel... mais il est rare qu'il participe à son entretien. Des partenariats sont à mettre en place de ce côté-là. Si les subventions des lieux de culture sont incontournables, d'autres dispositifs, moins directs, ont déjà été expérimentés pour assurer la pérennité des sites : aides pour la formation aux métiers très spécialisés du secteur de la culture (comme la restauration d'objets, par exemple), offres pour les publics qui n'ont pas accès aux musées, soit parce qu'ils n'ont pas appris à avoir la curiosité nécessaire pour s'y intéresser, soit parce qu'ils ne les connaissent pas, soit parce qu'ils n'ont pas de quoi se payer la visite.


Je ne peux résister à vous faire partager la visite de Marion Cotillard et de sa classe au Musée des Accidentés de la route. (Dikkenek, 2006)


Ils demeurent insuffisants, faute d'une évaluation suffisante des besoins financiers des lieux classés, et des besoins culturels des publics. Alors, les auteurs du rapport proposent 11 groupes de "recommandations" pour changer la donne :

Recommandations 1 - Il paraît important de mesurer les dispositions de chaque citoyen à payer pour l'entretien du patrimoine ; ces chiffres seront rendus publics.

Recommandations 2 - La transparence des données chiffrées et leur mise à disposition auprès des publics donnera une meilleure visibilité au patrimoine : où se trouve ce musée ? quels sont les autres monuments visibles à proximité ? quel est le prix de l'entrée ? combien de visiteurs par an ? quelles aides de l'Etat ? quelles dépenses à l'année ?

Recommandations 3 - Fixer la taxe de séjour à 6% diminuera la sollicitation du contribuable.

Recommandations 4 - Rendre les tarifs flexibles en fonction des visiteurs (moins cher s'il est membre de l'UE, s'il a peu de moyens) mais aussi des périodes de l'année, des heures...Cela permettrait de réguler la fréquentation des stars du patrimoine et de permettre aux gens de mieux les apprécier.. et de leur donner envie de revenir.

Recommandations 5 - Informer, communiquer pour faire connaître les sites moins connus du grand public, et les rendre attractifs : on utilisera au maximum Internet bien sûr, mais on n'oubliera pas l'importance de l'éducation culturelle à l'école ! Les partenariats entre l'école et le patrimoine sont à consolider.

Recommandations 6 -  On veillera à donner aux collectivités locales plus de responsabilités concernant les monuments classés qu'elles abritent ; une simplification des procédures d'acquisitions et de transferts des oeuvres serait bénéfique à tous.

Recommandations 7 -  Il existe une Fondation du Patrimoine, peu médiatisée, qui mériterait d'être mieux prise en considération : en effet, son but est de protéger le patrimoine rural non reconnu. Le développement du mécénat est aussi une solution envisageable.

Recommandations 8 - L'accès à l'art et à la culture peut aussi passer par la numérisation : aussi est-il important de mettre un maximum d'oeuvre sur support numérique et de les décrire assez bien pour qu'on puisse en profiter au mieux via la recherche informatique.

Recommandations 9 - Comme on l'a vu plus haut, les métiers d'art font partie du patrimoine immatériel et doivent eux aussi être mis à l'honneur ; cela passe par la reconnaissance de leur autonomie, l'ouverture à l'export et la mise en place de formations d'excellence... mais moins élitistes.

Recommandations 10 - Les marques, telles que le Louvre (Le Louvre-Lens, le projet Louvre Abu-Dhabi...) gagneront à être valorisées.

Recommandations 11 - Il est important de ne pas isoler les monuments de leur environnement. Ils ne prennent de sens que si on les observe dans leur cadre dynamique ; par conséquent, des liens solides entre le monument, la ville, les commerces et les industries locales peuvent être noués.



En conclusion
=> La dimension économique de la culture peut devenir une force si on sait s'en servir : le patrimoine a une grande importance dans l'attractivité d'un pays et génère de la création d'emploi dans le secteur du tourisme. Au delà des aides financières qu'on peut attendre de l'Etat, c'est sur la formation et la sensibilisation au patrimoine et à ses enjeux que devrait se concentrer la participation publique.


=> Ma conclusion :  les sous de l'Etat ne sont pas une solution durable pour les musées ! C'est juste de l'assistanat ! A la place, il vaut mieux pomper le secteur du tourisme, les visiteurs, et attendre que les gens sensibles à leur culture aient envie de jouer les mécènes ! Ben oui, c'est tellement mieux !
Désolée si j'ai rien capté, enfin tant mieux surtout, mais c'est comme ça que je comprends ce rapport. 

Ce rapport est suivi de deux commentaires et de trois compléments sur lesquels il sera intéressant de revenir ultérieurement... 

BENHAMOU, Françoise ; THESMAR, David. Valoriser le patrimoine culturel de la France. 2011. La Documentation Française. Coll. "Les rapports du Conseil d'analyse économique. 162 p. ISBN 978-2-11-008595-5

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Conseil d'analyse économique : composée d'économistes de tous bords, cette instance sert à réaliser des analyses économiques dans tous les domaines afin de conseiller le Premier Ministre. Ses travaux sont rendus publics.

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