dimanche 24 août 2025

[MANGA] Nikuko du port de pêche - 1 - Kanako Nishi ; Sugisaku (2025) / Sakamoto Days - 1 - Yuto Suzuki (2022)

Ca me dégoûte de voir le père de mes neveux leur gueuler dessus en disant "c'est pas à moi de tout faire, maintenant je suis seul à m'occuper de vous, donc vous devez vous occuper de moi aussi", alors qu'ils ont 7 et 9 ans, et qu'il en a presque 50.  

Ma sœur n'aimerait pas que les choses se passent de cette manière. 

Je sais bien qu'il ne vit pas une situation facile ; certes, il n'est pas sincèrement attristé par la mort de Marine, et quelque part, tant mieux pour lui et pour les enfants : cela lui laisse assez d'énergie pour se consacrer à leur bien être. La difficulté d'élever deux gosses est bien réelle, dans tous les cas, et je serais moi-même bien incapable de m'en sortir. Mais elle serait sans doute moindre s'il s'était un peu plus intéressé au quotidien de ses gosses avant qu'il ne réussisse à user ma soeur jusqu'à la corde, et avant que le pire n'arrive. 

C'est lui l'adulte, il ne doit pas l'oublier ; d'ailleurs, il sait le rappeler lorsque ça l'arrange. 

Rien ne me soulagera de la perte de Marine. Mais voir sa crapule de copain rétamé me donnerait l'illusion d'une forme de justice. 


Deux mangas très bien pour les collégiens ! 


Nikuko du port de pêche - 1 

Kanako Nishi / Sugisaku 

2025

Rue de Sèvres, Coll. Le Renard Doré 



Dans un village portuaire japonais où les gens vivent tous "comme il faut", l'arrivée d'une famille monoparentale est déjà un petit événement ! Alors forcément, le binôme formé par l'exubérante Nikuko, 38 ans, et la (trop) raisonnable Kikurin, sa fille de 11 ans, a de quoi intriguer. Pourtant, toutes deux trouvent tant bien que mal leurs marques dans ce microcosme, grâce à leur volonté et à leur optimisme. 

C'est la petite Kikurin qui raconte l'histoire, portant un regard plein d'amour mais empreint de perplexité sur une mère au parcours chaotique, très gentille, travailleuse mais un peu immature, toujours prompte à faire la fête après son service au restaurant... au risque de tomber entre les griffes d'hommes mal intentionnés. Consciente de la candeur de Nikuko, l'enfant a dû faire un croix sur son insouciance si bien qu'on se demande parfois qui est l'adulte, et qui s'occupe de qui. 

De son côté, Kikurin doit aussi gérer seule ses problèmes d'enfant _choisir (ou pas) son clan de copines, absorber les regards des garçons et les remarques faites sur sa mère... tout en se ménageant des moments de solitude, qu'elle réserve à la lecture. 

Un manga "vis ma vie à la campagne", ni trop dur, ni trop doux _comme le dessin de Sugisaku, qui aurait pu être chiant mais qui ne l'est pas, bien au contraire.


Sakamoto Days - 1 

Yuto Suzuki 

Glénat, 2022



Tout plaquer et partir ouvrir une épicerie dans la banlieue de Tokyo ! 

C'est ni plus ni moins ce qu'à fait Sakamoto, un ancien tueur à gages virtuose de la gâchette qui, un beau jour, a fait le choix de se ranger pour se marier, fonder une famille, et devenir gérant de supérette.

Les mafieux du secteur s'émeuvent de sa décision, et ne comprennent pas pourquoi cet '"Assassin légendaire" longtemps admiré et redouté a troqué le pistolet contre la scanette. Quelles que soient ses raisons, il doit à présent être éliminé : c'est la règle, on ne peut quitter le milieu que les pieds devants. 

Mais Sakamoto n'a pas l'intention de se laisser abattre : l'arsenal est à portée de main sous le comptoir, et, s'il a pris quelques kilos ces derniers temps, il a gardé tous ses réflexes. La bagarre n'est plus son délire, mais s'il doit se défendre, il le fera ! Comme vous le savez, les gens ne viennent jamais tant vous chercher des noises que lorsque vous aspirez à la quiétude... 

Au fil des chapitres, deux personnages rejoignent le cocon de Sakamoto, sa femme et sa fille : Shin, un jeune assassin télépathe au grand cœur, Shao, une orpheline survoltée. Tous deux vont se retrouver embauchés à l'épicerie... 

Ce shônen a l'avantage de démarrer au quart de tour, sans passer trop de temps sur la présentation du décor et des personnages. Souvent, les premiers tomes de séries sont assez descriptifs, mais ici ce n'est pas le cas : on sait juste ce qu'on doit savoir pour comprendre l'action à venir, et c'est appréciable.. C'est léger, dynamique, sans prise de tête. La castagne est forcément au rendez-vous mais sans être aussi dure à regarder que je ne le redoutais. 

Le personnage de Sakamoto est assez intriguant. Flegmatique, peu loquace, le regard littéralement masqué par les lunettes au verres épais, son visage peut vous évoquer aussi bien Dahmer que Hollande. C'est certain, ce type-là ne nous a pas tout dit !  

L'anime va sortir sur Netflix (si ce n'est déjà fait). 


vendredi 15 août 2025

[BD Jeunesse] Klaw - 1 - Jurion / Ozanam (2017) // Espions de famille - 1 - Gaudin / Ronzeau (2012)

Parce qu'il va bientôt falloir se remettre au boulot... 

Parce que je ne suis pas fâchée que cet été difficile tire vers sa fin, tranquillement... 



Voici deux présentations de BD pour la jeunesse.  

Klaw 1 - Eveil 

Jurion / Ozanam 

Le Lombard, 2017


Ange Tomassini a beau être le fils du patron d'une grande entreprise de poisson surgelés (du moins c'est ce qu'il croit), et rentrer du collège avec un garde du corps, cela ne s'empêche pas de se faire tyranniser par d'autres élèves. Et bien qu'il ait le pouvoir de se transformer en tigre sous le coup du stress ou de la colère, cela ne lui sert pas à grand chose car il n'a aucun contrôle sur ses mutations. 

Une altercation à la piscine a priori anodine entre lui et le copain de la fille qu'il aime va avoir des conséquences tragiques : il devient vital pour lui d'en savoir plus sur son identité et d'éclaircir les zones d'ombres de la famille Tomassini. Heureusement, il peut compter sur l'aide de Dan, son garde du corps et ami, pour apprivoiser l'esprit du tigre qui s'est logé en lui. 

"Eveil" constitue la base d'une série de 15 albums, et utilise l'action pour nous faire découvrir un univers bien énigmatique ; on va de révélation en révélation avec le héros... même si parfois, les ficelles son un peu visibles. L'inspiration des histoires de super-héros est assumée, et c'est mieux ainsi. 


Espions de famille - 1 - Bon baisers de papy 

Thierry Gaudin, Romain Ronzeau

BDkids, 2012



Amédée Caillebotis, alias B707, a été espion au service de l'Etat dans les années 60. Même s'il est à présent un peu rouillé et qu'il a rangé depuis longtemps les fléchettes hypodermiques qui ont fait sa renommée, il aimerait bien que son petit fils Alex le voie autrement que comme le papy décrépit qu'on aime bien mais qu'on trouve aussi un peu gênant. 

Alors, certes, Amédée n'aurait pas dû s'inviter à la fête d'anniversaire où Alex était sur le point d'aborder la jolie Leïla. Certes, il n'aurait pas dû l'appeler "biquet" devant ses copains. Certes, il n'aurait pas dû péter en huit sa console de jeux. Certes, il n'aurait pas dû faire  tout ça dans la même journée... 

Mais tout de même, il n'y a pas de quoi faire la tronche indéfiniment ! 

B707 va faire appel à ses anciens acolytes des Anges de Charles, et simuler sa disparition. Leur petite mise en scène va impressionner Alex, et surtout Leïla ! Mais elle va aussi arriver aux oreilles de Mordicus, l'ennemi juré de B707, qui fomente sa vengeance depuis des décennies. Lorsque les parents et la soeur d'Alex disparaissent, Papy comprend tout de suite que cette fois-ci, ce n'est pas une blague...

Une BD jeunesse qui reprend avec humour les codes de James Bond, sans trop en faire. Le message anti-âgiste est appréciable (ça m'a rappelé vite fait Octofight, en beaucoup plus soft ahah), et les portraits d'ados sont bien réussis. Lors d'un événement Babelio, le scénariste Thierry Gaudin nous avait expliqué qu'il avait été CPE et que son expérience transparaissait sans doute dans ses histoires. Il avait aussi parlé de son attachement à traiter les liens intergénérationnels, notamment l'éloignement des jeunes et de leurs grands parents à l'adolescence. 

Les dessins sont de Romain Ronzeau, tout en finesse, la valeur sûre. 


mercredi 13 août 2025

[LECTURES DE VACANCES] La femme de ménage - Freida Mc Fadden (2022) / Légendes et Latte - Travis Baldree (2022)

Si vous êtes basés dans le Sud-Ouest, vous avez sans doute déjà entendu parler du festival "BD en Périgord", qui se déroule tous les ans à Bassillac et Auberoche, une commune proche de Périgueux. 

Je n'y suis jamais allée ; mes parents nous avaient dit, quand on été enfants, qu'on irait y faire un tour à l'occasion, mais ça ne s'est jamais fait. On ne réclamait pas outre mesure : dans la région, c'est le festival d'Angoulême qui fait rêver. 

Bien des années plus tard, cet événement culturel incontournable dans la région est revenu sur le tapis lors des repas de famille du dimanche. Pas de la plus flatteuse des manières, c'est le moins qu'on puisse dire ! Marine travaillait depuis peu dans une entreprise de nettoyage du secteur et en tant que dernière personne embauchée, elle récupérait les missions à la con et leur lot de bizarreries. Nettoyer de font en combles le gymnase censé accueillir les stands et expositions du festival en faisait partie. 

Il fallait que tout soit nickel (et déserté de tout personnel de nettoyage) avant l'installation, ce qui impliquait de se rendre sur place très tôt, vers 5h du matin. Sur le principe, cela ne la gênait pas plus que ça : les horaires décalés faisaient partie des inconvénients du métier, elle le savait. Et puis, c'était une fois pas an. 

En revanche, en tant qu'employée, Marine ne disposait pas des clefs du gymnase. Il fallait qu'elle attende que le gardien, qui devait venir plus tôt lui aussi pour l'occasion, les lui remette. Impossible de procéder différemment, comme récupérer les clefs la veille, par exemple. Question de confiance et de responsabilités, sans doute. 

La première fois, le gardien est venu à 5h comme convenu. Il s'est montré très antipathique, mais enfin, il lui a permis d'accéder au site. 

Les années suivantes, la tâche a été plus compliquée pour Marine, car le type venait tard, voire pas du tout. Lorsqu'il arrivait tard, elle ne pouvait pas remplir sa mission à fond, puisqu'elle ne disposait pas du temps nécessaire pour le faire. Lorsqu'il ne venait pas, elle ne pouvait tout simplement pas travailler. 

Dans tous les cas, elle se rendait sur place à l'heure prévue, poireautant des heures dans sa voiture par de froids matins d'octobre. Et à chaque fois, forcément, les retours sur la qualité du service étaient négatifs. Même si elle savait pertinemment qu'elle n'y était pour rien, cela l'affectait toujours. D'autant qu'elle donnait sa version de l'histoire à sa patronne, et que cette dernière faisait mine de ne pas la croire _ sans doute pour éviter tout litige avec la mairie. 

L'année dernière, Marine nous a raconté qu'elle en avait eu marre, qu'elle s'était pointée et qu'elle était rentrée se recoucher assez rapidement. C'était juste avant les premiers diagnostics. La maladie couvait déjà et sa fatigue envahissait suffisamment ses journées pour qu'elle s'épargne les sautes d'humeur d'un boulet. Elle ne savait pas que c'était la dernière fois qu'elle se levait pour rien. 

Sache, gros connard de gardien, que tu ne la verras plus jamais, cette femme de ménage qui venait te casser les couilles le jour de l'ouverture du salon de la BD, et dont la tête ne te revenait pas visiblement. J'espère qu'à la place, tu auras affaire à une grognasse tout aussi désagréable que toi. 

 

La Femme de ménage 
Freida McFadden 
2022 
Photo : édition J'ai Lu



Difficile de trouver (et de garder) un boulot quand on sort de prison ! Millie le sait bien, elle en fait l'expérience depuis plusieurs mois. Aussi, lorsque la jeune femme est recrutée au pied levé pour faire le ménage chez de riches new-yorkais, elle s'empresse d'accepter le poste, espérant se rendre indispensable avant que ses patrons ne découvrent ses antécédents ! 

Dès son arrivée, elle sent que quelque chose cloche chez les Winchester : déjà, la minuscule "chambre de bonne" que lui attribue Nina, la mère de famille, ne se verrouille que de l'extérieur. L'impossibilité d'en ouvrir la fenêtre n'aide pas vraiment à s'approprier le lieu... 



Puis au fil des jours, son sentiment de malaise s'amplifie, à juste titre : Nina est bordélique à l'extrême, au point que Millie se demande si elle ne fait pas exprès de foutre des saletés partout, juste pour la faire galérer. D'autant qu'elle peut passer d'une minute à l'autre du "mode copine" au mépris le plus total envers son employée. La fille, la petite Cecelia, est clairement hostile envers Millie, en plus d'être flippante en tous points. 

Enzo, le jardinier, ne cesse de s'agiter et de prononcer le mot "danger" dès qu'il voit Millie, mais comme il ne connaît pas un mot d'anglais, la communication est impossible, elle ne voit pas bien où il veut en venir. Heureusement, Andy Winchester, le père, parvient à apaiser cette ambiance électrique




Plus Nina Winchester s'attache à la faire tourner en bourrique, moins Millie n'a de scrupules à se rapprocher dangereusement du bel Andy, qui ne demande pas mieux ; et alors que le lecteur aimerait crier à l'héroïne que coucher avec le patron, c'est pas une bonne idée, l'histoire prend une tournure complètement inattendue ! 

Avis 

AH ! Je l'ai enfin lu ! Ce livre me faisait de l'oeil (littéralement) à chaque fois que je passais au Relay de la gare de Limoges. On est génération Loft Story ou on ne l'est pas. J'ai dû en parler à ma collègue prof d'ULIS à un moment, parce qu'elle me l'a gentiment offert avant qu'on parte en vacances. 



J'avoue avoir été un peu moins jouasse en voyant qu'il figurait dans la bibliothèque Babelio de mon ex, ce qui est rarement bon signe.... Oui, c'est mesquin de stalker et de balancer ensuite

Bref, on peut couper ce best-seller en deux parties.

Une première, efficace et bien accrocheuse, mais parfois rendue peu convaincante par le personnage de Millie. Trop de mystère tue le mystère : soit elle se décide à nous dire pourquoi elle a été emprisonnée, soit elle arrête d'y faire allusion toutes les deux pages. 
Ensuite, face à tous les micro-événements chelous qui se passent sous ses yeux, il n'y a bien qu'elle pour ne pas comprendre qu'elle ferait mieux de prendre ses jambes à son cou. 
Enfin, ses petites envolées "ouah trop beau le jardinier / le boss, j'ai pas ken depuis teeellement longtemps !!"... très peu pour moi.

J'ai failli stopper ma lecture à mi-chemin, avant de me convaincre d'essayer d'aller jusqu'au bout, et j'ai bien fait d'insister un peu ! En effet, la deuxième partie de ce thriller psychologique est assez déroutante pour justifier à elle seule le grand succès du livre. Je ne dirai rien de plus pour ne pas spoiler, mais le revirement qui s'opère à ce moment-là surprendra même celles et ceux qui avaient déjà entrevu quelques ficelles... 

A dévorer sur la plage ou dans les transports ! 
Un peu à l'eau de rose par moments, mais ça passe. 
Lisez bien jusqu'au bout !
Pour tous ceux qui ont aimé le film Parasites, et pour les nostalgiques de Desperate Housewives  !

Légendes & lattes 

Travis Baldree 

2022 


Photo : édition J'ai Lu 

Genre : cosy fantasy

Tout plaquer et partir ouvrir un café dans un endroit où personne ne boit de café, voilà le défi que s'est lancé Viv, une orque mercenaire lassée de l'aventure. 

Après plus de 20 ans d'une vie dure et sans possibilités d'attaches, cette solitaire dans l'âme entend bien se poser et monter son propre établissement dans le petit village de Tuine. 

Elle a pour seuls guides sa grande motivation, sa passion du café, et une pierre "porte-bonheur" qui pourrait bien devenir un objet de convoitise. 

Ce retour au calme pourrait avoir des airs de retraite, si Viv n'avait pas tout à construire pour mener à bien son projet : non seulement le café en lui-même, mais aussi son sens de l'accueil et ses compétences en commerce, proches du néant. D'autant que l'ombre du mystérieux Madrigal, prompt à taxer tout nouveau commerce, vient gâcher quelque peu le paysage. 

Heureusement, Viv va faire de belles rencontres et (re)découvrir les joies du travail d'équipe et des soirées entre amis. 

Avis  

J'ai été séduite par la couverture WTF et par l'idée qu'un livre puisse à la fois parler d'orcs, de pierres magiques et de café ; le résumé laissant présager une dimension bisounours dont j'avais bien besoin à ce moment-là, je me suis laissée tenter. 

Au final, cette lecture de Légendes & Latte a été positive dans le sens où...  

- elle est réconfortante et sans prise de tête

- le monde cosmopolite de Travis Baldree tient la route, avec ses décors médiévaux-modernes et ses êtres légendaires souvent en proie aux préjugés. 

- les personnages sont plein de mignonnerie (trop ?)...

MAIS voilà... je me suis quand même beaucoup fait ch*er, car il n'y a quasiment pas d'action. C'est normal, me direz-vous, c'est le principe de la "cosy fantasy", cette branche de la fantasy où on s'intéresse surtout au quotidien des personnages et de leurs amourettes, au détriment des quêtes et des combats. Une sorte de tour d'autos tamponneuses où il faudrait essayer de ne pas toucher les autres, en somme...  

N'étant pas au fait de ce genre nouveau, j'ai attendu désespérément que "ça démarre", pensant que, telle une Xéna dont le naturel revient au galop, Viv allait dégainer l'épée après trois pages de bonnes résolutions pacifistes. Mais non. On voit juste un café se construire pierre après pierre au fil des chapitres, les joies et les galères qui vont avec, et un binôme de tenancières qui s'interroge sur ses techniques de vente.. 

Bah, pourquoi pas. Quand vous voyez qu'au bout de quinze chapitres, les personnages s'interrogent sur la possibilité ou non d'installer un ventilo ou une plus grande cuisinière, vous vous faites une raison ! A noter que l'auteur a imaginé cette histoire en plein Covid, à un moment où les cafés et autres lieux de socialisation étaient inaccessibles : voilà qui nous rend son roman d'autant plus sympathique. 



 

mercredi 23 juillet 2025

Etat d'urgences - Le quotidien d'une médecin en lutte pour l'hôpital public. Caroline Brémaud (2025) / Anatomy - Love story. Dana Schwarz (2021)

J'essaie de lire un maximum de livres qui parlent de santé ou de médecine, qu'ils rendent compte de faits réels, comme c'est le cas avec Etats d'urgences, ou qu'ils racontent des histoires complètement inventées _ encore que..., comme dans Anatomy - Love story. 

A défaut de me prendre des vents lorsque je vais au devant des professionnels de santé qui ont suivi ma sœur tout au long de son (bref) parcours, dans le but de m'informer et non d'incriminer, je précise, ces œuvres m'offrent une possibilité d'essayer de comprendre, d'imaginer ce qui a pu se passer, ce qui a pu dysfonctionner. 


Etat d'urgences - Le quotidien d'une médecin en lutte pour l'hôpital public 

Caroline Brémaud 

Seuil, 2025 


Ex-cheffe de service aux Urgences de Laval, Caroline Brémaud a été mise à l'écart par une hiérarchie qui estimait qu'elle ouvrait un peu trop sa bouche. 

Dans Etat d'Urgences, elle nous livre son quotidien de médecin urgentiste, à travers des situations vécues, dresse un tableau à la fois touchant et inquiétant d'un milieu médical qui part en charpie.

Touchant parce qu'il tourne grâce à des gens qui ont à cœur de mettre le patient au centre de leurs préoccupations.

Inquiétant parce que le système de santé français tend à faire passer ce même patient au second plan, loin derrière l'équilibre de budgets sans cesse restreints. 


Ma soeur est morte dans un hôpital, après en avoir fréquenté plusieurs services durant cinq mois. Lorsque ses problèmes de santé se sont déclarés, nous sommes devenus plus attentifs à ce qui relevait du milieu médical en général, et de son suivi en particulier. Nous avons alors constaté des choses qui nous ont... surpris, on va dire. 

Attention, pas question de dénigrer ceux qui ont tenté de la soigner ! Je sais que chacun a fait de son mieux, avec les moyens qu'il avait. Mais cela n'a pas suffi : leur compétence et leur conscience professionnelle ne pouvaient ni réduire les délais d'attente pour une IRM ou une biopsie, ni remplacer un spécialiste parti en congé maternité, ni rendre disponible un médecin traitant débordé, ni faire rivaliser la lenteur de l'administration avec la rapidité d'un cancer.


Un livre utile, accessible à tous, non seulement parce qu'il est bien écrit, mais aussi parce que l'autrice prend soin de partager ses émotions positives comme négatives. De cette immersion aux urgences, à la régulation ou dans des ambulances, se dégage une grande humanité. 



Anatomy - Love story 

Dana Schwarz 

2021 

Photo : édition Le Livre de Poche 

Hazel est passionnée de médecine ; à seulement 17 ans, elle a déjà de solides connaissances et n'hésite pas à gruger pour assister à des "démonstrations d'anatomie". Autant dire que plonger les mains dans le sang et les viscères ne lui fait pas peur, bien au contraire : elle rêve de devenir chirurgienne. 

Sauf que : Hazel est une jeune aristocrate qui vit à Edimbourg, au début du XIX° ; d'une part, elle est déjà promise à son cousin Bernard, futur vicomte. Son mariage approche, son avenir d'organisatrice d'insipides salons mondains aussi. D'autre part, même si l'indifférence de sa mère _ trop focalisée sur la santé de son fils pour se soucier d'elle_ lui laisse pas mal de liberté, les portes des cours de médecine se ferment devant elle, simplement parce qu'elle est une fille. 


Parallèlement, on suit les aventures de Jack, un beau-parleur sans le sou qui survit en déterrant des cadavres dans les cimetières afin de les revendre à des médecins.

On s'en doute, les deux vont se rencontrer. 

Cela dit, le côté "romance" ne prend pas trop de place : il y a bien une histoire de cœur à la Titanic, mais pas assez pour causer la gênance. Anatomy Love Story est plus un roman gothique un poil gore, avec pas mal d'action, au final. L'air de rien, on y parle d'inégalités sociales face aux soins, de l'évolution de la médecine, de gestion d'épidémie, de trafic d'organes, des conditions de vie des femmes, de deuil aussi... 



Autant de sujets encore très actuels. 

Attirée par la couverture représentant un cœur formé par l'opulente robe grenat d'une jeune femme, j'ai découvert cette "romance gothique" dans la section livres jeunesse d'une boutique Relay, à la gare de Bordeaux. Honnêtement, je m'attendais à quelque chose d'inconsistant, avec des ados borderline portés sur le cul. Mais pas du tout.  

Un très bonne surprise, donc ! 

Et il y a un tome 2 !





lundi 21 juillet 2025

[JEU SWITCH] Lines XL - Hook Games (2020)



Lines XL

Konstructors Entertainment

Hook Games 

2020

Testé sur Nintendo Switch 

1,99 € 




Jeu de casse-tête où il faut relier des pastilles de même couleur en se frayant des chemins dans une grille.  


Au début, il n’y a que deux pastilles à assembler, mais petit à petit leur nombre augmente, rendant la tâche plus compliquée. A cela s’ajoutent deux contraintes :   


  • Le casse tête n’est résolu que si tous les points de la grille sont exploités pour l’un des tracés 


  • Les tracés ne peuvent se croiser ou se chevaucher :  un même point ne peut pas être utilisé pour deux “chemins”. 






500 grilles différentes sont proposées au total ; elles sont classées par niveau de difficulté. En dessous de celles déjà réalisées, le temps de résolution s’affiche. Il est possible de refaire les différents casse-têtes, pour ceux qui voudraient améliorer leur chrono.  




J’ai lu des critiques plutôt négatives de ce jeu (jugé trop simple, trop cher pour 2€), mais bizarrement je l’aime bien : il est assez distrayant, pas aussi simple que ça, chacun ses capacités ! sans être prise de tête pour autant. Seul point noir : les musiques de fond, décrites comme “relaxantes”, mais qui dépriment plus qu’autre chose.  




Puisque des gens du coin semblent passer par là...

... Sachez que : 

Le Guen = pédophile. Eh non, il n'y a pas que les hommes qui tripotent les enfants.  

Boucher = harceleur. Il ne faisait pas bon être stagiaire chez lui, il y a quelques années... 

Labattu = misogyne (et incompétent, mais ça, à la rigueur...) 

Rotenberg = type violent envers les femmes.

Ce sont ces informations-là qui devraient vous intéresser ! 

Pourtant, cela fait des années que vous croisez ces personnes, et que vous détournez vos regards pour ne pas vous retrouver mêlés à leurs saloperies. 

 

 



dimanche 11 mai 2025

La chambre 337

L'infirmière m'interpelle de loin en sortant de la chambre où elle vient d'installer Marine : "C'est bon, vous pouvez aller la voir !". Elle disparaît aussitôt, déjà occupée à autre chose. Je quitte le siège laissé au bout du couloir du service, à moitié caché derrière une sorte de paravent, où on m'avait demandé d'attendre.  

Marine est allongée sur son lit d'hôpital ; on lui a passé une blouse blanche à pois noirs. 

"Ah, t'as réussi à me trouver !

_ Oui, aux urgences on m'a dit que tu avais été transférée en pneumologie. T'as pas froid ? 

_ Non, je suis bien. J'ai une infection pulmonaire, c'est fou ! J'aurais jamais cru que c'était ça. Ils vont me mettre sous antibio.

Sur quoi elle se met à tousser, éjectant par la même occasion le masque qui lui envoie de l'oxygène. Je me dis que, mince, je n'aurais pas cru qu'elle serait orientée ici, car quelques heures plus tôt, elle ne semblait pas aussi prise des bronches. Malgré tout, elle semble avoir un peu meilleure mine. 

_ Il faudrait que je fasse recharger mon portable... 

Je pars en quête d'une prise. Il y en a derrière le lit, mais le câble et trop court et le téléphone pendouille dans le vide. Il lui est visiblement difficile de bouger, elle se fatigue vite. Normal quand on n'a pas de souffle. 

La table à roulettes sur laquelle est posée une carafe remplie d'eau est ridiculement loin. Je la rapproche du lit : on s'en servira pour que le portable reste à portée de main. 

_ Il faut que j'appelle mes trois hommes. 

Elle fait allusion à son mec et à ses deux petits.  

_ Prends mon portable. 

S'ensuit une conversation tout à fait lunaire, que j'entends malgré moi. Pas une once d'inquiétude dans la voix du bonhomme, qui semble surtout embarrassé de devoir gérer les gosses le lendemain matin _et donc de prendre sa journée ; ça ne l'arrange pas du tout, mais bon.. Ma sœur se confond en excuses, comme trop souvent ces derniers temps. Il lui répond mollement que non, ce n'est pas sa faute, avant de lui demander de checker ses mails : il en attend un bien précis. 

Marine commence à scroller, avant de se souvenir qu'elle téléphone de mon portable. Son esprit est décidément embrumé... On récupère le sien, partiellement chargé ; elle fait deux ou trois manip pour finalement constater que le mail destiné à son mec n'est pas arrivé. Ce dernier coupe court en lui disant qu'il doit la laisser, "parce qu'il a du taf, là, avec les bains à donner, le repas à faire, tout ça", et lui souhaite bon courage. 

Un silence. Elle sait que j'ai envie de pester mais que je n'en ferai rien, et je sais à quel point elle est déçue de voir que pour son bonhomme, elle n'est plus rien d'autre que la mère de ses enfants. On se voilait tous la face à ce sujet, mais l'arrivée de la maladie a fait tomber les masques. 

On passe à autre chose. 

_ On met la télé ? Ou tu préfères rester au calme ? 

_ Je veux bien, mais je vois pas la télécommande !

_ Ah, moi non plus... 

On cherche la télécommande, elle avec son oeil vif, moi avec mes mains. Au moins ça nous occupe, on balaye la gêne et l'inquiétude. 

_ Dans l'armoire, peut-être ? Ou sous mes affaires... 

La télécommande restera introuvable. Tandis que je me remets du gel sur mes mains (elle est déjà assez attaquée, inutile de lui rajouter plus de saloperies), j'entends ronfler péniblement. Marine s'est assoupie. Elle n'a pas dû beaucoup dormir cette nuit. 

Je m'assois sur sa droite, dos à la fenêtre, face à la porte. Les bruits extérieurs nous parviennent ; le passage des chariots et les voix des soignants essentiellement. 

Elle ouvre les yeux, me regarde, replace son masque.

Je sors de mon sac le livre Terrienne de Jean-Claude Mourlevat, décidée à lui faire un peu de lecture. L'histoire d'une jeune fille qui part à la recherche de sa sœur disparue, pourquoi pas...

Elle se rendort avant que j'aie fini la première page, et je me pose mille questions en écoutant sa respiration poussive : est-ce qu'elle a chopé le Covid ? est-ce que le sevrage de cortisone s'est fait trop rapidement ? a-t-elle des effets secondaires de son traitement ? 

L'infirmière entre, dynamique, positive, pour faire le point sur l'état de santé et sur les examens prévus dans les jours qui viennent. Rien d'alarmant a priori, il faut surveiller et traiter. Elle remplace même le masque à oxygène par des lunettes.  

Avant de partir, je déblatère à ma sœur plein de phrases creuses dont j'essaie de me convaincre : ça va aller, elle est forte, une infection, ça se soigne. Si elle dort beaucoup, c'est normal, ça veut dire qu'elle récupère. 

"Mais oui, ça va aller ! renchérit l'infirmière, toujours aussi enjouée, avant de passer la porte. 

Marine ne répond pas. Depuis son lit, elle me regarde de son oeil bleu et vif, un bras passé sous la tête ; sur le moment, ça me serre le cœur de repartir "libre" sachant qu'elle est bloquée ici, impuissante et malade... En proie à ces faux impératifs auxquels on accorde trop d'importance, je tourne les talons, de peur de "manquer de temps". 

Le temps, j'en ai, maintenant. J'ai même toute une vie pour essayer de comprendre ce que voulait dire ce regard. Est-ce qu'elle avait compris qu'on se voyait pour la dernière fois ? Je ne pense pas, ses derniers SMS n'allaient pas dans ce sens... Etait-elle déjà "ailleurs" ? Ou juste dépitée de réaliser que son copain ne bougerait sans doute pas son cul pour venir la voir avant plusieurs jours ?  

Nos chemins se séparent donc brutalement dans une chambre d'hôpital. Marine la dure, Marine la forte s'arrête ; Adeline la fragile, va continuer : tous ceux qui nous connaissent un minimum savent à quel point cette configuration est improbable. 

Il est vraiment difficile d'accepter que cette visite à l'hôpital, qui n'aurait dû être qu'une simple étape, doit maintenant être considérée comme un souvenir précieux.