dimanche 1 septembre 2013

A la bibliothèque d'Aulnay-sous-Bois, donc ! Oui, parce que j'ai réussi à y aller, finalement ! Un mur sur une poule - Gilles Baum / Thierry Dedieu (2013) et Maboul à zéro - Jean-Paul Nozière (2003)



Notre couple du troisième âge ayant disparu dans un bar, j'ai pu tester cette fameuse bibliothèque Dumont toute proche de la gare RER. Il faut croire que ce ou cette Dumont n'avait pas de prénom puisque même le portail du réseau des bibliothèques d'Aulnay ne le mentionne pas. Quelques recherches seront à prévoir à ce sujet.


Remise en contexte

La petite bibliothèque est très bien équipée : au rez-de-chaussée, vous avez un large choix de documentaires sur tous supports pour enfants, pour adultes, et pas mal de DVD d'animation. Une salle est réservée aux romans pour la jeunesse et aux albums. L'étage est dédié à la littérature généraliste, pourvue d'un "coin ado" bien fourni également, et aux documentaires pour adultes. En fait,  X. Dumont n'est pas si petite que je le pensais, à moins que mes sens ne me trompent encore. Je suis toujours déboussolée quand je découvre une nouvelle étagère à livres.


Youpi, ça parle de poules !! 


En jetant un oeil aux albums pour les petits, j'ai évidemment repéré Un mur sur une poule, composé par Gilles Baum et illustré par Thierry Dedieu. Fraîchement publié, l'ouvrage aborde en quelques dessins simples mais efficaces la dure question de l'élevage en batterie.


Je te laisse, ça va couper !


Autant dire que je ne m'attendais pas à cela. En lisant le titre, je me suis dit : tiens, ils ont joué avec la comptine pour en faire quelque chose d'encore plus surréaliste ! Mais pas du tout. Alors que la première page débute bien sur les premières notes de la chanson, la poule choisit soudain de pondre sur le mur au lieu de lever la queue et de s'en aller. Jusque là, tout va bien. Mais le mur devient un coin où la poule pond trois oeufs, "c'est déjà mieux", le coin devient "quatre murs" enfermant un élevage de pondeuses productives. Telles de vraies machines programmées pour lâcher des œufs, les cocottes explosent, découvrent les joies du picage*, s'entre-tuent et font sauter le mur. Devenues carnivores, elles attaquent l'homme _ incarné par le fermier_ et projettent de dominer le monde AH AH AH sont en bon chemin pour en venir à bout. L'album se termine sur une phrase qui donne à réfléchir (et qui est propre à toute une collection de petits ouvrages de ce type) : "ce que tu fais à la Nature, la Nature te le rendra". 

Voilà un bel album où les poules évoluent sur un fond noir qui, dès la couverture, laisse présager du pire, sans qu'on puisse savoir exactement où ça va nous mener _surtout si on a 5 ans, âge à partir duquel on peut lire Un mur sur une poule. Les plus jeunes apprécieront plus ou moins l'humour sombre et les petites poules blanches aux yeux globuleux, mais l'apport d'un accompagnant adulte pourra prolonger la lecture par un débat intéressant.

Descripteurs Motbis proposés : ELEVAGE INTENSIF / POULE (OISEAU) / SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION 
SOCIETE DE CONSOMMATION est un peu tiré par les cheveux, je le concède, alors si vous avez d'autres propositions n'hésitez pas ! 

BAUM, Gilles ; DEDIEU, Thierry. Un mur sur une poule. Ed. Gulf Stream, Coll. La Nature Te Le Rendra. 2013. 18 p. ISBN : 2354882025


Montons l'escalier 

Arrivée à l'étage, je longe les rayons de littérature ado à la recherche d'un titre accrocheur : c'est très important, plus encore que l'illustration sur la couverture. Maboul à zéro, un roman de Jean-Paul Nozière, m'interpelle ; le titre me dit quelque chose, mais je ne l'ai jamais lu. Il faut croire que le moment est venu.


Cela dit, l'illustration est plutôt sympathique elle aussi.

C'est une idée, ou tous les romans de la collection Scripto des éditions Gallimard donnent envie de se tailler les veines, une fois qu'on les a lus ? Je préfère me dire que je suis tombée sur les plus déprimants, ce qui est le cas, sans aucun doute. Pourtant, après Sayonara Samouraï**, de Julia Billet, retraçant le combat d'un petit garçon atteint d'une tumeur au cerveau, la vie quotidienne de la famille Djémaï passeraient presque pour une grande rigolade de tous les instants ! Quoique.

Aïcha Djemaï a 14 ans et va bientôt passer le BAC, pour le plus grand bonheur de Zohra, sa mère, concierge du collège à côté duquel toute la famille habite. On est à la veille des élections présidentielles de 2002. Malgré ses facilités, Aïcha n'est pas scolarisée car elle est épileptique. Cela lui laisse le temps de s'occuper Mouloud, son frère aîné complètement fou, et de remplacer sa mère à l'accueil du collège lorsqu'elle doit s'absenter. Pendant ce temps, Karim, le père, dort car il travaille de nuit dans une usine de plastique. Dans la petite ville de Sponge, près de Dijon, cette famille d'"Arabes" fait beaucoup jaser : cet adolescent attardé qui se prend pour un footballeur et qui regarde les femmes en sous-vêtements dans les catalogues de la Redoute a-t-il sa place dans la loge d'un établissement scolaire ? Cette jeune fille qu'on dit si douée mais qui ne va pas en cours, alors qu'elle n'a pas vraiment l'air malade, est-ce bien normal ? Pourquoi l'accueil du collège est-il tenu par une personne étrangère ? Aïcha est bien consciente du "problème" que sa famille "pose" puisqu'elle intercepte astucieusement le courrier des parents d'élèves destiné à la principale : ce détournement lui permet de connaître les penchants racistes de personnes apparemment bienveillantes et polies envers elle.

Pourtant, les Djémaï ne cherchent de noises à personne ; Zohra  n'a plus besoin de prouver son implication au travail, elle qui assure l'accueil physique, téléphonique et qui se transforme parfois en infirmière (spéciale dédicace à Nicole, au passage). Elle gère comme elle peut le handicap mental d'un garçon de 17 ans de moins en  moins contrôlable, ce qui n'est pas une mince affaire. En lisant ce roman, je me suis dit que la folie de Mouloud était de loin le thème fort de l'histoire, bien que la montée du racisme en France et le passage de Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles de 2002 soient des sujets absolument incontournables pour les jeunes lecteurs. Mais l'intolérance aux personnes handicapées existe bel et bien ; Jean-Paul Nozière, prof doc ! et auteur d'une palette d'histoires diverses (que je n'ai pas lues), réussit le pari de mettre en parallèle deux des multiples sources de peur du FN de base, pour mieux pointer les dérives possibles.

Qu'on apprécie ou pas l'écriture, beaucoup de pistes d'étude et de discussion s'ouvrent lorsqu'on referme le livre. L'égalité hommes-femmes face à l'éducation est aussi évoquée, à travers ce récit de la jeunesse de Zohra qu'Aïcha tient absolument à enregistrer sur cassette ; à tel point qu'on pourrait trouver à Maboul à zéro un petit côté "bien pensant" qui sonne faux, parfois. Cette impression est personnelle. Par contre, le traitement des personnages au lendemain du premier tour des élections est très juste et m'a replongée dans mes propres constatations : une masse d'électeurs faussement indignés par ces 18% qui ne s'étaient pourtant pas faits tous seuls, incapables d'assumer leur vote et bien contents qu'il ne puissent être connu que d'eux-même, et pas mal de fachos décomplexés, voire grisés par le score de Le Pen et pressés de passer "leur" pays à la chaux.

Une lecture agréable, donc, même si je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages et à me prendre au jeu. La faute aux étudiants en physique-chimie assis derrière moi, peut-être...

Descripteurs Motbis proposés :  RACISME / HANDICAP / ELECTION POLITIQUE / DROIT A L'EDUCATION / 2000-

NOZIERE, Jean-Paul. Maboul à zéro. Ed. Gallimard, Coll. Scripto. Paris, 2003. 157 p. ISBN : 2 070553590  


Le picage est un comportement typique des oiseaux et volailles en souffrance psychologique : de la même manière qu'on se ronge les ongles quand on stresse, ils piquent leurs plumes ou celles de leurs congénères jusqu'à se blesser. Or, quand une poule, par exemple, voit du sang, elle y fourre son bec par instinct et bouffe tout ce qu'elle peut _même sa propre chair. C'est plus fort qu'elle. Elle prend alors "goût" à la viande jusqu'à la préférer à son grain. Si on ne sépare pas les animaux blessés des autres, les conséquences peuvent être dramatiques.

** C'est pas un Scripto ! Mais ça aurait pu... 



   

2 commentaires:

CLA Aulnay a dit…

Plus d'info sur le fameux Dumont http://fr.topic-topos.com/abbe-dumont

Java a dit…

Merci pour la précision !