Merci à l'Atelier de l'agneau et à Babelio pour l'envoi de Zones d'admiration dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Encore une fois, j'ai attendu le dernier moment pour publier une critique de ce nouvel ouvrage poétique de l'écrivain Jean Esponde. Non que la lecture ait été fastidieuse ou déplaisante ; mais il m'a toujours semblé difficile de me prononcer sur de la poésie, qu'elle soit écrite en vers ou en prose. L'exercice est encore plus ardu lorsqu'on ne connaît pas du tout l'auteur, comme c'était le cas en l'occurrence, jusqu'à ces derniers jours. Je vais donc faire ce que je peux.
Zones d'admiration ne se présente pas comme le recueil de poèmes auquel on pourrait s'attendre mais plutôt comme un petit livre protéiforme organisé en plusieurs grandes parties de tailles variables. Si la première s'intitule "Peintures", c'est bien Jean Esponde qui tire un portrait parfois documenté et parfois rêvé d'anonymes _tels que les premiers artistes de Lascaux, ou de génies qui ont fait date : Picasso, Frida Kahlo, Shitao... Pour mieux leur rendre hommage, il se plonge dans leur époque, dans leur espace, et imagine ce qu'ils ont pu penser, se dire. La deuxième grande étape du voyage se focalise sur "Quatre poètes", autour desquels l'auteur brode des textes qui auraient pu être des biographies, mais qui manifestement n'en sont pas. Il s'agit de Rimbaud, de Segalen _omniprésents dans l'oeuvre, du trop souvent oublié Héraclite, du sulfureux Genet. "Enseignement sans parole" apporte une touche philosophique à l'ensemble, et nous fait part de belles réflexions croisées sur les différents modes d'expression. Jean Esponde s'amuse à mettre en scène successivement Lao Tseu, Lu Ji et Héraclite. Guerres, Le Devenir et La Civière, plus courtes, forment un ensemble où, à mon avis, la condition humaine est traitée sous ses angles les plus sombres.
En une centaine de pages, Jean Esponde parvient à réunir des millénaires de culture, en nous amenant aux quatre coins du Monde. Aucune des figures qu'il admire et qui l'inspirent ne semble avoir été oubliée. Si, à première vue, l'ouvrage a l'air d'une boîte pleine de pièces de puzzle mélangées, une deuxième lecture évoquera plutôt une page web pourvue de nombreux liens hypertexte : Lascaux, Laas Geel, Lao Tseu, Rimbaud, Héraclite : tout se tient, tous se tiennent par la main, pour une raison ou une autre. Ce panorama éclectique des arts et cette fracture pure et simple des barrières spatio-temporelles sont déroutants ; mais ils ont l'avantage de nous libérer de nos carcans, de nous permettre des regards croisés sur des artistes, des courants artistiques et philosophiques qu'on ne songerait jamais à comparer, habitués que nous sommes à tout cloisonner. D'ailleurs, le poète ne se contente pas de poser des sages et des artistes inspirants les uns à côté des autres, puisqu'il s'essaie _avec succès_ à les incarner ou à les faire dialoguer. Qu'il possède ou non le bagage culturel lui permettant de saisir toutes les références auxquelles Jean Esponde fait allusion, le lecteur sortira grandi et/ou troublé de cette expérience littéraire unique en son genre.
Jean ESPONDE. Zones d'admiration. Atelier de l'agneau, 2021. 125 p. ISBN 978-2-37428-047-9
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