Je me suis longtemps lamentée d'avoir découvert L'Assassin Royal dix ans après sa sortie, soit bien trop tard à mon goût. Aujourd'hui, tout en tournant les dernières pages de la série, je m'en réjouis : au moins, je sais qu'il y a une suite intitulée Le Fou et l'Assassin. Les fans de la première heure n'ont pas eu cette chance et ont dû éprouver pleinement la tristesse des adieux faits à Fitz et aux autres !
Où est-ce qu'on en était ?
Le prince Devoir, la narcheska Elliania et leur délégation sont rentrés dans leurs contrées après l'aboutissement de leur quête. Ils sont à présent libres de faire leur vie au nez et à la barbe de ceux qui ne voient pas leur union d'un très bon oeil. Seul Fitz demeure sur l'Ile d'Aslevjal : anéanti par la mort du Fou, le Bâtard au Vif ne conçoit pas de reprendre une vie tranquille de garde royal à Casltelcerf sans avoir tiré son ami hors de son tombeau de glace. Son besoin de solitude ne sera pas longtemps satisfait : premièrement, Lourd a échappé au retour en bateau et traîne encore dans ses pattes. Ensuite, il fait enfin la rencontre de l'Homme Noir, qui se révèle être un affable Prophète Blanc physiquement marqué par son échec...
On ne meurt que deux fois
Après en avoir appris encore un peu plus sur son rôle dans l'avancée du monde, Fitz laisse Lourd aux bons soins de l'Homme Noir et retourne dans la glaciale Cité des Anciens ; non sans peine et sans souffrances, il retrouve le cadavre de son "Bien Aimé" dont les tatouages dorsaux ont été cruellement arrachés, et tente de le porter en surface. Encore faudrait-il qu'il soit résolu à accepter sa mort... En coiffant la couronne de bois ornée des plumes trouvées sur l'Iles des Autres, il parvient à ressusciter le Fou... après avoir rencontré de drôles de poètes dans un énième voyage onirique. Tiens donc ! Ce retour du pays des trépassés ne vous rappelle rien ? FitzChevalerie n'a-t-il pas lui-même connu l'état de mort, autrefois, avant de basculer dans le corps de son loup-frère de Vif ? N'a-t-il pas été conservé en vie par le Fou, à l'issue de son combat contre Laudevin, le chef des Pie ? Il semblerait que, chez Robin Hobb, la mort ne soit pas définitive (sauf pour Burrich et quelques autres malchanceux, apparemment...). C'est bien pratique, mais... les résurrections commencent à être un peu trop courantes dans son oeuvre pour être pleinement appréciées...
Le sauvetage du Fou donne pourtant un nouveau souffle à l'histoire, et une trop grande liberté aux personnages principaux ! Le destin du Prophète Blanc était de mourir dans le château de la Femme Pâle et celui de son Catalyseur dépendait de la mort du Prophète. Mais, comme Fitz a changé le cours des choses poussant très loin son attachement à l'homme aux multiples facettes, ce n'est pas le cas. Les deux amis sont bien vivants et n'ont plus d'ordres à recevoir de personne ! Toute une vie s'étend devant eux, avec son lot de choix à faire et de décisions à prendre. Qui ne serait pas effrayé par tant de liberté ?
Plus rien ne les oblige à se séparer, à présent ; et si le Prophète... qu'on suppose jaune maronnasse au sortir d'Aslevjal...! se consume toujours d'un amour inconditionnel et non réciproque pour son Catalyseur, Fitz rêve lui aussi d'un quotidien paisible et partagé avec le Fou. Aussi, lorsque ce dernier lui annonce qu'il a l'intention de couper les ponts définitivement, il en reste sonné. Nous voilà arrivés aux pages les plus profondes et les plus émouvantes des "Adieux et retrouvailles", où le sage bouffon nous expose avec une logique implacable qu'on peut quitter quelqu'un par amour sans pour autant se contredire. En effet, il sait très bien qu'il est censé être mort et que de sa mort devait découler le bonheur de Fitz ; donc il décide de s'éloigner de lui pour éviter de parasiter son existence à venir. En filigrane, on comprend aussi qu'il essaie de se protéger : voir son Catalyseur se reconstruire une vie sentimentale sans pouvoir y prendre part serait néfaste à leur amitié. Il préfère clore leur relation par un poème d'adieu et une pierre de mémoire contenant leurs meilleurs souvenirs : quelle classe, ce Fou...
Non ! Non, pas ça !
Oui, parlons-en, de la vie sentimentale du héros ! Je vais peut-être passer pour une rabat-joie, mais je trouve que Robin Hobb a un peu trop tendance à jouer aux Lego sur la fin de ses romans ! Vas-y que je tue Burrich, histoire de libérer Molly : Fitz n'a plus qu'à faire ami-ami avec les fils aînés et à toquer à la porte de son premier amour, qui résiste deux minutes pour la forme avant de lui ouvrir son lit. Lui aussi fera son examen de conscience en trois phrases avant de s'immiscer, l'air de rien, dans une famille endeuillée. Cette reconstitution capillotractée des amoureux d'il y a quinze ans aura eu le mérite d'être totalement imprévisible... A la fin de l'Assassin Royal, Fitz a tout ce à quoi il aspirait dans sa jeunesse : la tranquillité, l'aisance, plein d'enfants... Il fait partie du clan d'art avec sa fille Ortie et à récupéré sa femme. Pourtant, la présence de son meilleur ami à ses côtés lui fait défaut.
La palme du couple à la con revient à Molly et Fitz ! Eh ben, faire le bonhomme pendant treize tomes pour finir comme ça... C'est pas joli joli ! |
On n'en doutait pas une seconde : l'Assassin Royal se termine en beauté, après un feu d'artifice d'émotions... sans mièvrerie, cependant. A l'exception, peut-être, de la niaiserie de Fitz face à Molly alors que Burrich n'est pas encore froid. Enfin si ! vu qu'il a traversé un glacier sur une civière avant de mourir, mais bon... on se comprend ! Comme il reste encore ! des questions sans réponses, que les personnages principaux continuent d'entendre des voix, et que les deux dragons passent leur vie à niquer, lançons-nous à l'attaque des Cités des Anciens !
Edition utilisée ici :
ROBIN HOBB. L'Assassin Royal 13 - "Adieux et retrouvailles". Trad. A. Moustier-Lompré. Editions J'ai Lu, 2007. 380 p. ISBN 978-2-290-00296-4
Illustration couverture : Vincent Madras
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