Replongeons-nous un peu dans Les Aigles Décapitées ! Tranquillement mais sûrement, au gré des bibliothèques et des passages à la FNAC, nous voilà arrivés à la lecture du tome 11 de la série : "Le loup de Cuzion".
Oh ! Un lébérou ! |
Partez donc porter votre croix !
Le
temps a fait son effet sur la Creuse comme partout ailleurs,
apportant son lot d'événements. Nous sommes maintenant en 1247 :
Nolwenn vient de se marier avec le chevalier Adhémar, heureux
bénéficiaire de la forteresse de Cuzion ; Hughes pense avec
inquiétude à son avenir à la tête de Crozenc et à celui de son
fils, le petit Sigwald. Il sait que le comte de Lusignan sera en
droit de récupérer ses terres ancestrales d'ici quelques années...
à moins qu'il ne se fasse bien voir du prince Alphonse de Poitiers
et du roi Louis IX.
Notre
seigneur aux boucles blondes prend une décision bien contrariante
pour tous, au moment où la région est en panique à cause des
attaques d'un loup possédé par le Diable, où des querelles
familiales viennent éclabousser les robes des preux chevaliers, où
les couples semblent plus que jamais indéboulonnables : il va partir
en croisade avec ses hommes, sous la bannière de Lusignan. Si Alix
choisit de pleurer en silence le prochain départ de celui qui
n'arrive pas encore à lui donner d'enfant, Nolwenn réagit comme
elle sait le faire : en blasphémant à grands cris ! Elle refuse
d'être séparée d'Adhémar. Inutile de dire qu'elle sera prête à
tout pour retenir son chevalier, quitte à jouer avec la frayeur des
paysans en cultivant la croyance du loup possédé...
Inspecteur Hughes de Crozenc
Pour
la première fois depuis le début de la série, Hughes n'est pas au
centre de l'action. Ici, il joue plutôt un rôle d'enquêteur. Après
avoir endossé la veste du fuyard empressé de sauver sa peau, celle
du chevalier sauveur de donzelles, ou celles du chasseur de têtes
familières, le voilà parti chercher un coupable dans la forêt,
sans indice et sans GPS. Avec pour seul allié l'impression d'être
le seul à ne pas chercher un animal sauvage, mais bien un homme.
Les
premières vignettes de l'album nous le présentent en train de
mettre fin à un litige opposant Gaucher et Adhémar, les frères
ennemis : ce n'est pas vraiment extraordinaire en soi, puisqu'en tant
que suzerain, il est habilité à rendre la justice. Par contre, il
nous laisse entendre que les enquêtes de terrain sont plutôt du
ressort de ses chevaliers... particulièrement peu prompts, cette
fois-ci, à cerner ce loup massacreur de bêtes, d'hommes et
d'autels. Au bout de quelques mois d'attente, de carnages, de retour
au calme, et de chutes de neige ensanglantées, Hughes prend les
rênes de l'affaire. Il est alors accompagné du jeune Conan le
Rouge, dont c'est le grand retour dans la série après une absence
de deux albums. Hélas, si le bachelier étudie assidument « la
logique » sous la bienveillance de son mentor, il n'est pas
encore en mesure de montrer l'étendue de son potentiel, loin de là.
Son absence de discernement apporte même une dimension comique à la
scène de l'enquête des empreintes de loup dans la neige ; cette
évolution du personnage est curieuse _ voire critiquable _ après
tant de démonstrations de ruses, de finesses et d'espiègleries dans
les tomes _ et _ des Aigles décapitées ! Histoire à suivre, donc.
Cela dit, positivons et apprécions le fait que Conan le Rouge n'ait
pas été balayé de la série comme on aurait pu le craindre à la
lecture des dernières péripéties de Hughes de Crozenc !
Préparatifs de la Septième Croisade
Jean-Charles Kraehn tire profit du contexte historique : il donne du sens à la vie de son héros en le mêlant aux préparatifs de la Septième Croisade que le roi Louis IX souhaite mener. En effet, Saint Louis était tombé malade quelques années auparavant et avait fait le voeu d'aller en pèlerinage sur le tombeau du Christ afin de le libérer des "Infidèles".* Or, si Hughes compte bien se croiser, ce n'est pas tant pour prêcher le christianisme que pour se faire bien voir de la noblesse : bien qu'il s'en défende par peur de l'Inquisition, il est loin d'être aussi pieux que son souverain, connu pour son sens de la charité et pour cette manie de toujours vouloir astiquer les pieds des gens !
Saint Louis lave les pieds Image prise sur ce site. |
Eh non, on n'est ni dans une chanson de geste, ni dans un roman de Chrétien de Troyes écrit pour ceux qui l'entretiennent : tout est stratégie, intérêts personnels, petites prières histoire de, et profanation ! On plaisante, on plaisante, mais l'image légendaire du "bon" Louis IX, juste et humble, m'a donné beaucoup d'espoir pendant mes quelques années d'innocence. Pas au-delà ! Assez longtemps, cela dit, pour m'inspirer une ligne de conduite malgré une absence totale de sentiment chrétien. Il m'a offert mon petit côté Claude François : "quand la vie est méchante, je veux qu'elle soit jolie". Dès lors, je ne peux plus douter du fait que le personnage de Saint Louis ait eu un certain impact dans la société médiévale : un roi qui s'intéresse à son peuple, pleure devant la misère _ ils avaient la larme facile, à l'époque..._, et lave les pieds des pauvres, a de quoi marquer les esprits.
Je vous souhaite à tous d'être un jour touchés par la grâce de Saint Louis et de son petit carré plongeant. Amen. |
Prochaines étapes : le port d'Aigues-Mortes, où les pèlerins embarqueront, puis l'Egypte**...
KRAEHN, Jean-Charles ; PIERRET, Michel. Les Aigles Décapitées. Tome 11 : "Le loup de Cuzion". Glénat. 1997. Coll. "Vécu". 48 p.
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* Christian Melchior-Bonnet, "Les Croisades de Saint Louis" in Le livre d'or de l'Histoire de France. Paris, Tallandier, 1995. 373 p.
** René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - III. 1188-1291 L'anarchie franque, Paris, Perrin, 1936 (réimpr. 2006), 902 p.
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