Le bac, l'entrée à l'université, les désillusions et la découverte d'un nouveau champ des possibles... Mon souvenir de 2004 est celui d'une année bien particulière. Alors forcément, j'ai été assez troublée de constater en lisant Boy Erased qu'elle avait été tout aussi cyclonique pour Garrard Conley, un fils de pasteur américain qui avait le même âge que moi à l'époque, et qui est devenu écrivain, depuis.
Enfant unique d'une famille d'évangéliques baptistes, Garrard a grandi dans la foi et le respect des conventions. "Honorer son père et sa mère" aura été son GPS de vie pendant dix-huit ans, jusqu'à ce qu'il entre à l'université. Loin de sa famille et de sa communauté, il peut enfin prendre un peu de distance avec une religion qui lui pesait inconsciemment, rencontrer des jeunes issus d'autres milieux culturels, et verbaliser son attirance pour les mecs. Manque de pot, sa première expérience va mal tourner et il va se faire violer par un autre étudiant. Ce dernier, chrétien intégriste et surtout déjà coupable d'une agression sur un gosse, va se couvrir en outant Garrard à ses parents.
Le procédé est sordide mais efficace : les parents de Garrard vont tenter de remettre leur enfant dans le droit chemin en l'inscrivant à Love In Action, un centre où il pourra suivre une thérapie de conversion en 15 jours. C'est le déroulement de ce séjour "vers la guérison" que l'auteur nous raconte, ainsi que tous les événements plus ou moins anecdotiques qui l'ont amené là.
Boy Erased est bien un récit autobiographique, et pas un roman. Même si les faits ont 20 ans, les propos rapportés (et dénoncés) par l'auteur _que ce soit dans la sphère familiale ou parmi les "ex-gays" et les modalités du programme de LIA restent flippants. Pas sûr que beaucoup de choses aient changé, depuis.
Pour qui n'est pas pratiquant, ce livre est très instructif sur la religion, les façons de la vivre ; on voit bien dans quelle mesure elle peut impacter le quotidien. Il est longuement question du film La passion du Christ sorti au cinéma avec un certain fracas, je me souviens !
Enfin, les mémoires de Garrard Conley sont d'une grande justesse _me semble-t-il, dans l'expression des bouleversements internes qu'il a endurés. Entre l'envie sincère de s'intégrer dans une communauté et celle de tracer son propre chemin, pas facile de faire son choix sans ressentir un certain mal-être...Mon avis est à prendre avec des pincettes : je me suis beaucoup identifiée au narrateur, notamment dans ses phases de doutes, dans ses troubles _il devient addict à la course à pied, à un moment_, et dans son habileté à mener une "double vie" entre université et famille.
Je ne sais pas si vous aimerez autant que moi, du coup, mais dans tous les cas, c'est un objet littéraire qui vaut le détour.
Le livre a été adapté en film, en 2018. Il est sur Netflix.
Photo : Garrard Conley. Boy erased. Autrement, 2019. 376 p. 978-2-7467-5034-0
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