Lundi matin, au parc de la Villette. Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai couru dans l'idée qu'un jour, il y aurait peut-être quelqu'un au bout du chemin. |
Famille, amis, villes et campagnes, attrait pour l'écriture... Alice Sandair a tout plaqué pour aller en Inde et s'installer sur le plateau du Deccan. Jusqu'à tirer un trait sur son identité civile, jusqu'à accepter d'être considérée comme morte pour l'administration française. Pourquoi a-t-elle décidé de prendre un aller sans retour avec pour tout objectif une forêt de bambous plantée à l'autre bout du monde ? On l'apprendra, ou pas, en lisant les bribes de son cheminement intérieur raconté chapitre après chapitre, au fil des pensées de l'héroïne.
En effet, Alice, qu'on appellerait bien volontiers par son nouveau nom indien si on le connaissait, est un électron libre. En Europe comme en Inde, elle ne suivra jamais le mouvement, préférant observer, ressentir et se laisser porter ; si sa quête de soi l'amène à consulter des guides tels qu'un maître spirituel qu'elle nomme "le philosophe" ou à se laisser aller à la méditation, on sent qu'elle ne s'y abandonne jamais totalement. Elle construit sa propre route, et cela lui convient ; ainsi, elle fera la rencontre de James, en qui elle trouvera un compagnon de route qu'on devine aussi épris de liberté qu'elle. On partagera quelques lointains souvenirs de son autre vie avec sa mère, dernier filament du cordon qui la relie à la France, et avec Pierre, cet ami malade incurable qui a su l'encourager à prendre son envol.
Le voyage d'Alice Sandair n'est pas Caroline aux Indes : Jacqueline Merville ne nous écrit pas le roman initiatique plein d'aventures que le titre laisse imaginer, mais elle nous fait part d'un récit étrange, insaisissable, et peut-être en partie autobiographique ? d'un périple intérieur. C'est pourquoi j'ai bien du mal à résumer les 230 pages d'un livre que j'ai pourtant trouvé facile et agréable à lire. Disons que les pages ont filé comme de l'eau entre mes doigts, un peu comme les journées, les mois et les années de la nouvelle vie indienne d'Alice... sans violence, sans laisser de traces.
Il faut dire qu'au bout d'un moment, les balises du temps s'estompent tellement qu'on a du mal à définir un semblant de calendrier dans l'évolution géographique et intérieure d'Alice... peut-être parce qu'il ne faut tout simplement pas chercher à le faire.
Cet album (daté de 1962) sent un peu fort le temps des colonies... Mais quand même, je l'aime tellement ! |
Je reconnais que j'ai eu du mal à me raccrocher aux wagons de ce voyage intérieur*. Pour y parvenir réellement, il aurait fallu que je puisse m'identifier au moins un peu au personnage principal ; mais Alice a déjà tellement d'identités qu'il n'y avait plus vraiment de place pour moi ! Alors je me suis contentée de contempler l'histoire de l'extérieur, passant à côté de plein d'éléments trop personnels ou trop poétiques pour moi....
Cela dit, j'ai bien aimé partager les découvertes de l'héroïne, qui arrive en Inde avec une "image" d'une culture, et qui, une fois sur place, réalise qu'elle n'en connaissait que quelques facettes. Il est certain que le lecteur en quête d'action risque fort de rester sur sa faim... On est nombreux à vivre à cent à l'heure, parfois malgré nous, parfois parce qu'on le veut bien aussi, obnubilés qu'on est par l'efficacité, la productivité : forcément, l'attitude contemplative d'Alice peut nous déconcerter, voire nous impatienter... et c'est très bien comme ça : rien de mieux qu'un livre-OVNI pour casser ses petites habitudes !
Jacqueline MERVILLE. Le voyage d'Alice Sandair. Editions des Femmes, 2020. ISBN 9782721007186
*Je ne suis pas peu fière de ma métaphore ! #cartegrandvoyageurSNCF
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