dimanche 1 mai 2016

Histoires de canassons : Je m'appelle Holly Starcross - Berlie Doherty (2001)


J'ai eu envie d'ouvrir une série "Histoire de canassons" consacrée aux romans pour la jeunesse où il est question de chevaux et/ou d'équitation. On a tous, dans notre entourage, une copine qui aime les chevaux ; moi oui, en tous cas :) et la passion prend souvent sa source dès l'enfance. Du coup, ça pourra peut-être vous servir.

Par contre, autant vous prévenir tout de suite : je ne sais rien des chevaux, et j'ai longtemps eu une représentation négative du sport qu'est l'équitation. A savoir, une activité de richous. Merci Sacha ! qui m'a permis de m'accrocher plus longtemps que prévu à ce cliché. Sacha, c'était un petit bourge du Mirail qui m'a beaucoup emmerdée pendant toute une année scolaire. Ce connard en herbe (ou en avoine, ahah) était un ange avec le reste du personnel éducatif, ce qui lui assurait de pouvoir me faire des sales coups sans qu'on le soupçonne une seule seconde. En contrepartie, je le surnommais Sachatte, pour son plus grand agacement. Ce gamin excellait dans ce sport ; il s'entraînait dur et ça payait. Il n'en était pas peu fier, et il pouvait se le permettre ; je le lui accorde. Bref, s'il ne s'est pas fait aplatir la tronche par un bec de gaz, il doit avoir dans les 18-19 ans. Alors, Sachatte, si tu passes un jour par là... n'oublie surtout pas de te raser, et n'abuse pas du Jockey !


Salut Sachatte !

Afin d'inaugurer cette série d'"histoires de canassons", il sera question du roman Je m'appelle Holly Starcross, écrit par Berlie Doherty, prof anglaise et auteure de nombreux romans pour enfants. Après l'avoir lu, je me rends compte qu'il n'est pas très représentatif dans sa catégorie, mais... ce petit ouvrage a des qualités insoupçonnées et il est beaucoup plus profond que je ne le pensais !



L'histoire 



Holly a quatorze ans et, comme beaucoup d'enfants de son âge, elle ne sait pas vraiment qui elle est. Qu'est-ce qui cloche chez elle ? Alors que tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, elle se rend bien compte que son humeur maussade ne la quitte jamais vraiment. Tout l'énerve et personne ne lui paraît digne de confiance. Pourtant, lorsqu'on a une mère présentatrice de télé connue et admirée dans toute l'Angleterre, un beau-père qui joue les potes, des petits frères et soeurs pénibles par définition mais pleins de vie, une meilleure copine qui tient la route et un ordinateur connecté à Internet dans sa chambre, est-ce qu'on a le droit de se plaindre ? On pourrait dire que non... à première vue. En réalité, Holly souffre de l'absence de son père. Huit ans plus tôt, ses parents se sont séparés et sa mère a subitement fui la maison familiale pour s'installer avec un autre homme, l'emmenant avec elle sans lui donner aucune explication. Depuis, la pilule ne passe pas pour la fille du premier mariage. Elle ressent le besoin d'en savoir plus sur ce père dont elle n'a plus aucune nouvelle, et s'efforce vainement de comprendre la logique de sa mère à l'époque. Mais la célèbre Mrs Murray s'enferme à double tour dans le silence lorsque Holly la questionne... Heureusement, le mystérieux Zed et ses e-mails rassurants parviennent, à mettre un peu d'ordre dans le bazar infernal qui l'agite. Un jour cependant, la terreur envahit les couloirs du collège : des filles remarquent qu'un rôdeur passe ses journées près de l'école, planqué dans sa vieille voiture cabossée. Il paraît qu'il cherche une certaine Holly...


Et sinon, quand est-ce qu'on parle canassons ? 

"Où est le cheval dans l'histoire ?" me direz-vous plutôt, si vous êtes du genre poli. On y vient, on y vient. Le type qui tourne autour de l'héroïne n'est autre que son père, qui semble enfin avoir retrouvé sa trace après des années et des années de recherches infructueuses. Avec l'accord de sa fille, il l'"enlève" afin de la ramener "à la maison". La maison, c'est la ferme isolée de Noedale, dans le Derbyshire où il élève ses chevaux avec passion. Il y mène la vie simple et sans surprise qui lui plaît mais qui a fini par rendre sa femme malheureuse, petit à petit, jusqu'à ce qu'elle pète un câble... Holly n'a plus beaucoup de souvenirs de cet endroit ; la plupart renaîtront au fil de leur périple, notamment celui de la jument Dixie. Elle se rappelle alors le bien être qui l'envahissait lorsqu'elle était au milieu de ces grandes bêtes et qu'elle copinait avec Rosa, "son" poulain. O combien, déjà, elle les préférait à sa mère ! L'escapade de la jeune Holly et de son père prendra fin à l'issue d'une balade à cheval riche en émotions pour tout le monde.

Sur ce, interlude Petit Poney.
Désolée, j'ai encore trop de mal à ne pas me moquer. Mais j'y bosse ! 


Pire que les gosses 

L'inévitable confrontation entre Diane, la mère, et Phil, le père, sera l'occasion de souligner une réalité souvent peu osée en littérature de jeunesse : l'immaturité des adultes. En effet, les parents de la jeune Holly Starcross sont tous deux des enfants : l'un vit dans son monde de chevaux, l'autre veut punir son ex-mari d'avoir fait passer les animaux avant son confort en se barrant avec leur fille et en imposant à cette dernière d'"oublier" son père. En réponse à cela, le premier enlève la gamine pour que son ex-femme "voie ce que ça fait". C'est par pur égoïsme que Diane a refusé que Holly garde contact avec son père ; l'ultimatum qu'elle pose ensuite à sa fille, à savoir, choisir de vivre avec son père ou avec sa mère, ne vise qu'à piéger l'éleveur de chevaux : pour sûr, il ne s'en sortira jamais avec une ado à charge ! Le fait est que l'homme prend la fuite avant que leur fille ait pu donner une réponse, pour la plus grande joie de la mère qui se met à pérorer "ah, tu vois ! pas de couilles au cul !" Dans certains cas, la conciliation n'est pas possible, même des années après le divorce ! Alors la seule qui puisse faire son choix, de façon neutre, en tenant compte de ce qu'elle veut, elle (car ça, tout le monde s'en fout apparemment...), c'est Holly ! Pour quitter en paix le monde de l'enfance, elle a besoin de connaître son histoire, et celle de sa famille ; son père aura le mérite de bien vouloir répondre à ses questions (et d'être en mesure de le faire), même si l'homme de la campagne n'est pas exempt de tout reproche.

Ok, ils ont su se mettre d'accord pour appeler leur fille Houx.
 Par contre un divorce à l'amiable c'était trop pour eux...

Le choix  

Ok, Phil ne s'embarrasse pas de manières et offre même une bouffée de zénitude plus qu'appréciable pour l'adolescente sous pression : on va ou on veut, et après on verra. Voilà un style de vie auquel Holly n'est pas vraiment habituée, elle qui doit s'occuper des jumeaux, de Zoé, elle qui doit se montrer digne de sa mère, elle qui est bien trop grande pour qu'on la console quand elle pleure. L'espace de quelque jours, elle redevient la fille unique d'un père qui lui dit qu'elle lui a manqué, qu'elle est jolie, que ses idées sont super... Bref, la revoilà au centre de l'attention, et ce n'est pas pour lui déplaire. Mais, aussi improbable que ce soit, Holly a vite la nostalgie de la maison ; et surtout de Zoé, la petite dernière de la fratrie. Elle s'en ouvre à ce père qu'elle connaît si peu, introduisant avec classe et justesse la question du handicap. Lorsqu'on apprend à travers son regard qui se cache derrière le mystérieux Zed, on se dit que le choix de la raison s'impose... Sauf qu'on n'est pas à sa place. A vrai dire, ce roman est curieux : on a l'impression que tous les éléments sont réunis pour que le destin de l'héroïne tourne à la catastrophe, et le choix de la première personne dans la narration renforce cette idée : des ados insouciantes, un rôdeur qui les mate, un mystérieux correspondant virtuel bon pour les déclarations d'amour, une voiture en panne, des gares désertes, un hôtel mal-famé... Et pourtant... rien ne se passe. Les seules aventures dignes de ce nom sont celles appartenant à la "mémoire familiale" des ancêtres de Holly Starcross, que son père lui transmet petit à petit, à chaque étape de leur parcours.. Que va décider Holly ? Retourner chez sa mère ou rester à la campagne avec sa famille paternelle ? Le voilà, le suspense...

Vous l'aurez compris, j'ai été très agréablement surprise par ce petit roman que je pensais orienté sur le nombril d'une ado geignarde amie pour la vie avec les chevaux... et qui s'est révélé à mes yeux comme une quête d'identité, une réflexion sur le passage à l'âge adulte. Ne vous arrêtez pas à la couverture, qui est très jolie mais qui sonne un peu midinette, et plongez-vous dedans !

Je m'appelle Holly Starcross a fièrement gagné son badge Licorne de Brume, le label des jeunes lecteurs et lectrices perchés qui cogitent !




DOHERTY, Berlie. Je m'appelle Holly Starcross. Le Livre de Poche Jeunesse, 2005. Coll. "Mon bel oranger". ISBN 2-01-322018-9




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