Tout à l'heure, à l'issue du club lecture _sournoisement rebaptisé "Découvertes au CDI" pour attirer plus de monde, ma collègue assistante péda* me disait qu'elle comptait faire don à l'établissement d'une série de livres. Son mec avait craqué pour une saga de type heroic fantasy avec supplément dragons avant de se se rendre compte que ça ne lui plaisait pas du tout. Résultat, il se retrouvait avec cinq ou six livres neufs sur les bras : quoi de plus frustrant ?
Rien, si ce n'est le cas contraire. Un dimanche matinavec ma putain , alors que je retournais comme une crêpe la bouquinerie de la rue Daguerre, seule dans le magasin et bercée par les délires des deux vendeurs, j'ai craqué pour Soil, un manga d'Atsushi Kaneko à la couverture plaisante. Quand on ne connaît pas, on n'a plus qu'à y aller au pif. Cela va peut-être vous choquer, mais mon ignorance en terme de livres à l'envers est telle que si Soil Premier de la liste n'avait pas été coloré en bleu pétrole, il n'aurait jamais fini dans mon sac ! D'autant plus que le second tome est rose, baaahh !
L'histoire
Une fois n'est pas coutume, il s'est passé quelque chose d'étrange à Soil Newton : la famille Suzushiro a disparu, et pour de bon ! Pouf pouf ! Madame, Monsieur, leur fille et le hamster se sont évaporés dans laisser la moindre trace, si ce n'est l'énorme tas de sel qui a "poussé" dans la chambre de Mizuki, la fillette. Pourtant, ce sont des gens sans histoire, à l'image de tous les habitants de cette ville calme comme une mer d'huile. Autant dire que devant tant de mystère, l'émoi de la population est à son comble.
Le lieutenant Onada et le capitaine Yokoi sont dépêchés sur place pour mener l'enquête et résoudre cette drôle d'énigme. Il leur faudra faire preuve de professionnalisme pour ne pas être décontenancés par la perfection presque douteuse des lieux et des hommes du coin. L'intrigue va rapidement prendre une dimension étrange et sombre.
"Je crois qu'ils attendent qu'on s'en aille pour fermer..."
N'appréciant pas spécialement les exploits de flics, je me suis limitée au premier volume des trois disponibles dans la boutique : pour un peu que ce soit nul ! Sauf que ce n'est pas nul du tout, bien au contraire, donc me voilà à présent contrariée de ne pas avoir la suite sous la main, et au taquet pour remédier au plus vite à cela. Quelle idée, aussi, de s'intéresser subitement aux mangas ? Peut-être qu'on mange trop asiatique avec les collègues, en ce moment, et que mine de rien ça nous influence ! Allez savoir. Il est vrai qu'on est plutôt bien équipés à Aulnay, entre le thaï, le chinois, et le japonais ; dans tous les cas, lorsqu'on est bien accompagné, les chances sont grandes d'assister à du spectacle. Mes profs à moi, ils valent une troupe de théâtre à eux-seuls, ils sont moins chers et surtout moins chiants. Pourtant, certains d'entre vous savent à quel point le théâtre m'indiffère, et connaissent mon incapacité à distinguer un artiste d'un mec bourré qui gueule. Cela devrait vous donner une idée de leur talent.
S. - Moi avant j'habitais rue Machin à Paris !
D. - Ah bon ? Mais tu sais qu'on a été voisines pendant longtemps sans le savoir ! J'habitais avenue Ducon !
V.- Pchtt Pchtt ! S., je suis ta mère !!!
Là, c'était au japonais, un mercredi à midi. Bon, hors contexte c'est difficile de bien saisir l'effet comique mais sachez simplement que c'était une conversation aussi riche que drôle. Du maki au manga, il n'y a qu'un pas. Il suffit d'enjamber Dark Vador.
Eh, suis-je la seule à penser que le lieutenant Onada est de la maison ?
Revenons à nos Bambis.
Soil est avant tout la mise en scène d'un duo policier on ne peut plus dépareillé évoluant dans une utopie qui prend l'eau. Si les premières planches suscitent l'interrogation en présentant des paysages divers qui n'ont en commun que l'espèce d'étoile filante qui traverse leur ciel, les premiers dialogues nécessitent plutôt d'avoir le coeur bien accroché. A plus forte raison si l'on est un tant soit peu féministe. En effet, notre premier contact avec le binôme d'enquêteurs est l'intérieur de la voiture censée les amener à Soil. La jeune Onada, lieutenant débutant et pleine de volonté, est au volant ; son front goutte à cause de la fièvre causée par la concentration, mais aussi parce que son collègue l'assomme de propos machistes, moqueurs voire insultants. A noter qu'elle ne se défend d'ailleurs pas trop mal en pointant régulièrement le sexisme du capitaine Yokoi.
"_Est-tu capable de courir comme une dératée derrière un suspect quand tu as tes règles ? Es-tu capable de regarder sans tourner de l'oeil le cadavre couvert de sperme d'une fille violée ?
_ J'ai des règles très supportables et j'ai déjà assisté deux fois à des expertises sur des lieux de meurtres avec viol. De plus, Capitaine Yokoi, ça c'est du harcèlement sexuel.
_Du harcèlement ? Parce que tu imagines qu'on peut fantasmer sur toi ?
Si la question d'installer ce manga au CDI du collège a pu se poser un jour, autant dire que ce n'est désormais plus le cas !
Reconnaissons-le : Onada est quand même un gentil petit boulet et n'a pour elle que son envie de bien faire. Toujours transpirante de stress et d'empressement, la jeune lieutenant oublie sa propre personne derrière les enjeux du mystère. Pourtant, son attitude face aux personnages féminins, plus encore que le costard cravate et la pseudo barrette qui sonne faux, pourrait laisser croire qu'elle chasse sur les mêmes terres que Xéna ! C'est un point de vue spéculatif, certes, mais laissez-moi rêver jusqu'au tome 2, parce que ça serait tellement fun si elle pouvait s'en taper une ou deux au nez et à la barbe de son vieux porc de collègue !
Bizarrement, Yokoi ne lui reprochera pas trop son incompétence au fil des aventures, et leur collaboration semble finalement plus heureuse qu'on aurait pu l'imaginer au premier abord. L'homme a beau être détestable, le policier n'en est pas moins méthodique, direct et efficace. Il est le premier à soupçonner "le ver dans le fruit" qui mange la cité résidentielle encore neuve et prononce la réplique qui pourrait bien être la devise de la série :
Beaucoup écrivent ça et là sur le net que ce manga fait penser à Twin Peaks, mais comme je n'ai pas vu cette série, je m'en fous un peu et je me garderai bien de relancer le débat. Mes références télévisuelles me renvoient plutôt vers Wisteria Lane, mais ça ne me dérange pas. En tous cas, ça promet d'être glauque à souhait, sans toutefois trop en faire...
Le graphisme se distingue pas mal du manga tel qu'on se le représente : même si beaucoup de codes sont conservés (les yeux vides de dépit, les personnages rapetissés, agrandis, les expressions faciales), les visages sont réalistes et tracés par des lignes épaisses. On aime ou on n'aime pas. Personnellement, j'étais un peu froide au début, mais au vu de l'histoire je pense que Kaneko a fait le bon choix en sélectionnant ce crayon-là.
KANEKO, Atsushi. Soil T.1. Ankama Editions. 2011. Coll. Kuri. 226 p. ISBN ; 978-2-35910-131-7
* Coucou Amélie !
Rien, si ce n'est le cas contraire. Un dimanche matin
Petite photo de famille (disparue) |
L'histoire
Une fois n'est pas coutume, il s'est passé quelque chose d'étrange à Soil Newton : la famille Suzushiro a disparu, et pour de bon ! Pouf pouf ! Madame, Monsieur, leur fille et le hamster se sont évaporés dans laisser la moindre trace, si ce n'est l'énorme tas de sel qui a "poussé" dans la chambre de Mizuki, la fillette. Pourtant, ce sont des gens sans histoire, à l'image de tous les habitants de cette ville calme comme une mer d'huile. Autant dire que devant tant de mystère, l'émoi de la population est à son comble.
Le lieutenant Onada et le capitaine Yokoi sont dépêchés sur place pour mener l'enquête et résoudre cette drôle d'énigme. Il leur faudra faire preuve de professionnalisme pour ne pas être décontenancés par la perfection presque douteuse des lieux et des hommes du coin. L'intrigue va rapidement prendre une dimension étrange et sombre.
"Je crois qu'ils attendent qu'on s'en aille pour fermer..."
N'appréciant pas spécialement les exploits de flics, je me suis limitée au premier volume des trois disponibles dans la boutique : pour un peu que ce soit nul ! Sauf que ce n'est pas nul du tout, bien au contraire, donc me voilà à présent contrariée de ne pas avoir la suite sous la main, et au taquet pour remédier au plus vite à cela. Quelle idée, aussi, de s'intéresser subitement aux mangas ? Peut-être qu'on mange trop asiatique avec les collègues, en ce moment, et que mine de rien ça nous influence ! Allez savoir. Il est vrai qu'on est plutôt bien équipés à Aulnay, entre le thaï, le chinois, et le japonais ; dans tous les cas, lorsqu'on est bien accompagné, les chances sont grandes d'assister à du spectacle. Mes profs à moi, ils valent une troupe de théâtre à eux-seuls, ils sont moins chers et surtout moins chiants. Pourtant, certains d'entre vous savent à quel point le théâtre m'indiffère, et connaissent mon incapacité à distinguer un artiste d'un mec bourré qui gueule. Cela devrait vous donner une idée de leur talent.
S. - Moi avant j'habitais rue Machin à Paris !
D. - Ah bon ? Mais tu sais qu'on a été voisines pendant longtemps sans le savoir ! J'habitais avenue Ducon !
V.- Pchtt Pchtt ! S., je suis ta mère !!!
Là, c'était au japonais, un mercredi à midi. Bon, hors contexte c'est difficile de bien saisir l'effet comique mais sachez simplement que c'était une conversation aussi riche que drôle. Du maki au manga, il n'y a qu'un pas. Il suffit d'enjamber Dark Vador.
Désolée.... |
Eh, suis-je la seule à penser que le lieutenant Onada est de la maison ?
Revenons à nos Bambis.
Soil est avant tout la mise en scène d'un duo policier on ne peut plus dépareillé évoluant dans une utopie qui prend l'eau. Si les premières planches suscitent l'interrogation en présentant des paysages divers qui n'ont en commun que l'espèce d'étoile filante qui traverse leur ciel, les premiers dialogues nécessitent plutôt d'avoir le coeur bien accroché. A plus forte raison si l'on est un tant soit peu féministe. En effet, notre premier contact avec le binôme d'enquêteurs est l'intérieur de la voiture censée les amener à Soil. La jeune Onada, lieutenant débutant et pleine de volonté, est au volant ; son front goutte à cause de la fièvre causée par la concentration, mais aussi parce que son collègue l'assomme de propos machistes, moqueurs voire insultants. A noter qu'elle ne se défend d'ailleurs pas trop mal en pointant régulièrement le sexisme du capitaine Yokoi.
"_Est-tu capable de courir comme une dératée derrière un suspect quand tu as tes règles ? Es-tu capable de regarder sans tourner de l'oeil le cadavre couvert de sperme d'une fille violée ?
_ J'ai des règles très supportables et j'ai déjà assisté deux fois à des expertises sur des lieux de meurtres avec viol. De plus, Capitaine Yokoi, ça c'est du harcèlement sexuel.
_Du harcèlement ? Parce que tu imagines qu'on peut fantasmer sur toi ?
Si la question d'installer ce manga au CDI du collège a pu se poser un jour, autant dire que ce n'est désormais plus le cas !
Reconnaissons-le : Onada est quand même un gentil petit boulet et n'a pour elle que son envie de bien faire. Toujours transpirante de stress et d'empressement, la jeune lieutenant oublie sa propre personne derrière les enjeux du mystère. Pourtant, son attitude face aux personnages féminins, plus encore que le costard cravate et la pseudo barrette qui sonne faux, pourrait laisser croire qu'elle chasse sur les mêmes terres que Xéna ! C'est un point de vue spéculatif, certes, mais laissez-moi rêver jusqu'au tome 2, parce que ça serait tellement fun si elle pouvait s'en taper une ou deux au nez et à la barbe de son vieux porc de collègue !
Bizarrement, Yokoi ne lui reprochera pas trop son incompétence au fil des aventures, et leur collaboration semble finalement plus heureuse qu'on aurait pu l'imaginer au premier abord. L'homme a beau être détestable, le policier n'en est pas moins méthodique, direct et efficace. Il est le premier à soupçonner "le ver dans le fruit" qui mange la cité résidentielle encore neuve et prononce la réplique qui pourrait bien être la devise de la série :
"les gens normaux, ça n'existe pas !"
Beaucoup écrivent ça et là sur le net que ce manga fait penser à Twin Peaks, mais comme je n'ai pas vu cette série, je m'en fous un peu et je me garderai bien de relancer le débat. Mes références télévisuelles me renvoient plutôt vers Wisteria Lane, mais ça ne me dérange pas. En tous cas, ça promet d'être glauque à souhait, sans toutefois trop en faire...
Le graphisme se distingue pas mal du manga tel qu'on se le représente : même si beaucoup de codes sont conservés (les yeux vides de dépit, les personnages rapetissés, agrandis, les expressions faciales), les visages sont réalistes et tracés par des lignes épaisses. On aime ou on n'aime pas. Personnellement, j'étais un peu froide au début, mais au vu de l'histoire je pense que Kaneko a fait le bon choix en sélectionnant ce crayon-là.
KANEKO, Atsushi. Soil T.1. Ankama Editions. 2011. Coll. Kuri. 226 p. ISBN ; 978-2-35910-131-7
* Coucou Amélie !
1 commentaire:
T'as acheté le tome 2 du coup ?
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