mardi 13 août 2024

[LECTURE DE VACANCES] Le porteur de mort - 1 - "L'apprenti" - Angel Arekin (2014)

Après mon coup de cœur pour la saga de l'Assassin Royal dont je vous rabats les oreilles depuis 2010, il m'a toujours été difficile de retenter de lire de la fantasy, et encore plus d'en parler ici. Je ne saurais pas expliquer pourquoi. 

Cet été cependant, j'ai retrouvé le tome 1 de la série Le Porteur de mort, écrit il y a une dizaine d'années par une autrice française du nom d'Angel Arekin, qui m'était totalement inconnue jusque là. La fiche Babelio de cette dernière indique qu'elle est de Brive, ce qui veut dire qu'on est presque voisines Par conséquent, j'aurais été bien embêtée si j'avais dû tailler son livre, mais la question ne s'est pas posée puisque j'ai finalement beaucoup apprécié cette lecture. 

L'histoire 

Le royaume d'Asclépion n'est plus ce qu'il était : assailli par les brigands de grands chemins et les ennemis du pouvoir en place, sa population commence à ressentir les effets d'une protection armée insuffisante. 

Pour remédier à cela, le Régent décide de recruter parmi les jeunes hommes du peuple des apprentis guerriers qui rejoindront, s'ils réussissent la formation, la guilde des Tenshins. Ces derniers ont un rôle de défenseurs militaires et de conseillers politiques : ils sont donc extrêmement puissants et surtout immortels ! 

Beaucoup de petits paysans donneraient cher pour être choisis ; ce serait leur seule chance de sortir de leur condition modeste. Beaucoup, mais pas tous : Seïs Amorgen fait partie de ceux qui n'en ont rien à battre. Il faut dire qu'entre les beuveries, les nuits au bordel et les trafics en tous genres, il a déjà de quoi s'occuper. Son sort inquiète ses parents, ses frères et sa cousine Naïs _retenez bien son nom ! bien plus que cette soudaine opération de recrutement de Tenshins qui n'avait pas eu lieu depuis des siècles, et qui ne présage rien de bon. 

Devinez quoi, Seïs va faire partie des heureux élus ! D'abord réticent, il va finalement se rendre à Mantaore, haut lieu de formation des Maîtres, pour commencer son apprentissage. Ce premier tome du cycle (qui en compte 6) sera en partie consacré au déroulé de ce séjour initiatique, entre découverte de soi, des autres apprentis, actes de rébellion et entraînements physique. 

En parallèle, on suit l'évolution de la famille Amorgen et des bouleversements qu'elle va connaître au fil des chapitres, sur six ans environ : l'un des fils va se découvrir sorcier (c'est pas une bonne nouvelle) ; Naïs la cousine orpheline au caractère bien trempé semble aussi pourvue de certains dons, bien qu'on n'en sache pas plus. 

A la fin de l'Apprenti, le mystère reste entier sur plusieurs niveaux ; je ne sais pas vraiment quoi en dire pour l'instant, car ce tome sert a introduire l'univers du roman. C'est nécessaire, mais forcément ça laisse moins de place à l'action. Cela dit, les dernières pages laissent entrevoir un 2ème opus prêt à décoller en trombe. On sait pas encore trop où on va, mais on y va...

Une porte d'entrée vers la fantasy

Si vous aimez les romans d'heroic fantasy, foncez car il y a tous les ingrédients : le décor médiéval, les soldats musclés au régime pain fromage viande séchée nuit dehors fumette, les cheveux en bataille, les filles qui n'ont peur de rien, la carte du royaume au début, le sorcier, le roi, le faux clodo, le maître d'armes un poil tortionnaire, la pierre magique qui envoie du pouvoir mais qui détruit en même temps.... 

Fans de l'Assassin royal, vous aussi ? "L'Apprenti" vous rappellera de bons souvenirs, bien que l'histoire ne soit pas du tout la même ! 

Le porteur de mort constitue une bonne initiation pour qui n'est pas familier de ce type de romans ; c'est agréable à lire et plus accessible que l'œuvre de Tolkien _ qui a considérablement inspiré Angel Arekin, d'après ce que j'ai pu lire ça et là.

La plus-value de ce livre : les personnages, principaux et secondaires, très humains, et donc très réalistes. Ils souvent bien creusés. L'apprenti-tenshin rouquin nommé Lampsaque est mon préféré. Tous s'expriment de manière assez crûe ! 

Le point qui m'a fait un peu tiquer : la relation ambigüe entre Seïs et Naïs reste perturbante pour le lecteur _elle l'est aussi pour les personnages, et Angel Arekin l'exprime très bien. J'imagine qu'on ne connaît pas tout de leurs sentiments et de leurs liens familiaux pour l'instant, et que beaucoup d'éléments clefs s'éclairciront dans les tomes suivants. 

Mon seul regret est de l'avoir laissé moisir plus d'un an dans la bibliothèque.


Angel Arekin 

Le porteur de mort - 1 - L'apprenti 

2014

Photo : édition Le livre de poche. 


Avec ses 788 pages, cet ouvrage peut participer au challenge "Les épais de l'été 2024" organisé sur le blog de Dasola. N'hésitez pas à aller y faire un tour ! 





vendredi 9 août 2024

[LECTURE DE VACANCES] Le Sel de tous les oublis - Yasmina Khadra (2020)

Le Sel de tous les oublis 

Yasmina Khadra (2020)


Adem est instituteur près de Blida ; lorsque sa femme le quitte pour rejoindre un autre homme, son univers s'effondre. 

Il décide de quitter ses derniers gages de stabilité, à savoir sa maison et son métier, et de marcher droit devant lui. Il n'emportera dans son périple que ses économies et un cahier. Ou va-t-il ? Que cherche-t-il ? Il n'en sait rien. 


Nous le suivrons dans sa traversée d'une Algérie tout juste indépendante _l'histoire se situe entre 1963 et 1965_, au gré de ses nombreuses escales et rencontres plus ou moins heureuses, souvent improbables : asile psychiatrique, hameaux, nain en quête d'affection, chantier d'ouvriers... A chaque fois, l'échange est fastidieux, souvent douloureux pour un Adem en passe de devenir un clochard solitaire et hargneux. Pourtant, il doit parfois se résoudre à accepter l'aide de son prochain. 


Le roman se découpe en deux parties. La première raconte l'errance d'un héros au sort peu enviable : ce n'est pas pour rien que la couverture du livre fait référence à Don Quichotte. Dans la seconde, moins souvent évoquée dans les résumés et critiques, Adem pose ses valises (malgré lui) et révèle son humanité retrouvée, pour le meilleur et pour le pire. 


Difficile de donner mon avis sur Le Sel de tous les oublis car j'ai été extrêmement troublée par pas mal de personnages et de situations qui m'ont donné matière à réfléchir : le nain Mika est aussi généreux que le héros Adem est détestable ; les deux femmes de l'histoire, Dalal et Hadda se font écho et reflètent par leur choix différents la condition des femmes à cette époque.  


Le Sel de tous les oublis parle sans ambages de fragilité psychologique, des handicaps physiques ou induits par la société, les traditions, mais surtout de liberté.  

A lire absolument SI vous avez le cœur bien accroché !

Il a été chaudement recommandé par ma collègue prof d'arts plastiques (=ça veut dire qu'il est bien). J'espère avoir le temps de me le refaire avant de le lui rendre ! 

lundi 5 août 2024

[LECTURE DE VACANCES ] Boy Erased - Garrard Conley (2016)

Le bac, l'entrée à l'université, les désillusions et la découverte d'un nouveau champ des possibles... Mon souvenir de 2004 est celui d'une année bien particulière. Alors forcément, j'ai été assez troublée de constater en lisant Boy Erased qu'elle avait été tout aussi cyclonique pour Garrard Conley, un fils de pasteur américain qui avait le même âge que moi à l'époque, et qui est devenu écrivain, depuis.


Enfant unique d'une famille d'évangéliques baptistes, Garrard a grandi dans la foi et le respect des conventions. "Honorer son père et sa mère" aura été son GPS de vie pendant dix-huit ans, jusqu'à ce qu'il entre à l'université. Loin de sa famille et de sa communauté, il peut enfin prendre un peu de distance avec une religion qui lui pesait inconsciemment, rencontrer des jeunes issus d'autres milieux culturels, et verbaliser son attirance pour les mecs. Manque de pot, sa première expérience va mal tourner et il va se faire violer par un autre étudiant. Ce dernier, chrétien intégriste et surtout déjà coupable d'une agression sur un gosse, va se couvrir en outant Garrard à ses parents.

Le procédé est sordide mais efficace : les parents de Garrard vont tenter de remettre leur enfant dans le droit chemin en l'inscrivant à Love In Action, un centre où il pourra suivre une thérapie de conversion en 15 jours. C'est le déroulement de ce séjour "vers la guérison" que l'auteur nous raconte, ainsi que tous les événements plus ou moins anecdotiques qui l'ont amené là. 

Boy Erased est bien un récit autobiographique, et pas un roman. Même si les faits ont 20 ans, les propos rapportés (et dénoncés) par l'auteur _que ce soit dans la sphère familiale ou parmi les "ex-gays" et les modalités du programme de LIA restent flippants. Pas sûr que beaucoup de choses aient changé, depuis. 

Pour qui n'est pas pratiquant, ce livre est très instructif sur la religion, les façons de la vivre ; on voit bien dans quelle mesure elle peut impacter le quotidien. Il est longuement question du film La passion du Christ sorti au cinéma avec un certain fracas, je me souviens ! 

Enfin, les mémoires de Garrard Conley sont d'une grande justesse _me semble-t-il, dans l'expression des bouleversements internes qu'il a endurés. Entre l'envie sincère de s'intégrer dans une communauté et celle de tracer son propre chemin, pas facile de faire son choix sans ressentir un certain mal-être... 

Mon avis est à prendre avec des pincettes : je me suis beaucoup identifiée au narrateur, notamment dans ses phases de doutes, dans ses troubles _il devient addict à la course à pied, à un moment_, et dans son habileté à mener une "double vie" entre université et famille. 

Je ne sais pas si vous aimerez autant que moi, du coup, mais dans tous les cas, c'est un objet littéraire qui vaut le détour. 

Le livre a été adapté en film, en 2018. Il est sur Netflix. 


Photo : Garrard Conley. Boy erased. Autrement, 2019. 376 p. 978-2-7467-5034-0