dimanche 27 mars 2016

Les Aventuriers de la Mer - 9 - Les marches du trône. Robin Hobb (2007)



Je me suis beaucoup gaussée des gens qui s'arrachaient le dernier tome d'Harry Potter lors de sa sortie en 2007, et encore plus des lecteurs qui ont pleuré en prenant conscience que les aventures du sorcier étaient bel et bien terminées : eh, les mecs, c'est qu'un livre, oh ! A présent, je les comprends parfaitement. Voilà, Les Aventuriers de la Mer ont mis les voiles, ou son rentrés définitivement au port, c'est selon ; dans tous les cas, nous lecteurs, nous nous retrouvons seuls sur le quai, comme des cons. 




Tout est bien qui finit bien, ou pas. 

"Alors, ça finit bien ?
_ Ben, à la base, c'est un bouquin pour les gosses, alors évidemment que ça finit plutôt bien". 

Ma pote Mélanie était une fan de la première heure des romans de J.K Rowling ; elle m'en a tellement rabattue les oreilles lors de nos soirées "appels illimités de 21h à minuit " gracieusement offertes par Orange (ils pouvaient, vu le fric qu'on dépensait en Mobicartes !) que je n'ai eu la force d'attaquer Harry Potter à l'école des sorciers que tout récemment. Oui, elle fait partie de cette génération magique entrée en sixième quasiment la même année que Harry à Poudlard et on peut dire qu'elle a littéralement grandi avec lui. J'en ai pris conscience quand elle m'a répondu avec un certain détachement que oui, elle avait lu le livre comme tous les groupies qui se respectent, mais voilà, quoi.
Le petit binoclard l'avait certes bien aidée à surmonter son adolescence pas toute rose, et elle l'en remerciait, mais depuis, la sorcellerie avait montré ses limites. Face à l'organisation de son mariage programmé l'année suivante, par exemple. 

Du coup, je me suis fait la réflexion qu'il m'avait fallu presque quatre ans pour lire les neuf tomes des Aventuriers de la Mer. Quatre années pendant lesquelles ma vie a changé à plusieurs niveaux, mais sans doute pas autant que celle des personnages de la saga, pour qui un univers entier s'est effondré.

"T'as pas vu mes tongs ?"


Où est-ce qu'on en était ? 
ATTENTION - SPOILER !!!! 

On le comprend au fil des pages : Les marches du trône devient petit à petit le livre de l'"après", de la reconstruction de Terrilville, de la naissance des nouvelles alliances politiques et des projets de vie enfin assumés. Puisqu'on a enfin saisi la nature des liens qui font appartenir serpents, dragons et navires de bois sorcier, autant aller de l'avant ! Les allusions au Royaume des Six-Duchés se font beaucoup plus nombreuses que dans les tomes précédents, comme pour nous inviter à faire la transition vers l'Assassin Royal 7. Quelque part, le lecteur se sent un peu à Angoulême le dernier jour du festival de la BD, quand il n'y a plus personne pour dédicacer son album et que, sous les chapiteaux, les artistes commencent à refaire leurs cartons en scred, désireux de décoller pas trop tard. 

Salut la compagnie !

Sur la plage où il subit les réparations conséquentes à sa tentative de suicide, Parangon livre ses derniers secrets à Ambre et lui apprend par la même occasion qu'Althéa est vraisemblablement à bord de la Vivacia. Le moral de l'équipage remonte aussitôt en flèche car tout le monde la croyait morte, y compris le capitaine Trell. Mais, de son côté, la copine de Brashen est convaincue que la vivenef aveugle a sombré corps et biens. Inconsolable, elle se laisse droguer puis violer par le pirate Kennit. Elle parvient cependant à ranimer l'âme presque éteinte de Vivacia ; ce petit exploit lui donnera assez de gnaque pour crier au viol lorsqu'elle parviendra enfin à quitter la cabine du navire familial. Evidemment, l'équipage de Kennit n'accordera aucune attention à ses accusations, à l'exception d'Etta, qui, en pute d'expérience, lira une vraie douleur dans ses cris d'orfraie. Les marins sont de toute façon occupés à se demander comment ils vont accueillir le Capitaine Rouge qui fonce droit sur eux, avec Malta et le Gouverneur à son bord ! Les voilà enfin, les retrouvailles des Vestrit ; elles s'annoncent explosives... Alors qu'on se réjouit que tous les ingrédients soient enfin réunis pour que ça bastonne dans tous les sens, la dragonne Tintaglia débarque comme un cheveu sur la soupe avec Reyn dans une serre et une bonne dose de connerie dans l'autre. Elle gicle les bipèdes par dessus bord en atterrissant laborieusement sur le pont de la Vivacia, cédant à l'envie de troubler leur petite bagarre.... Kennit commence à paniquer ; mais lorsqu'il voit Parangon arriver droit sur lui, alors qu'il pensait lui avoir fait racler le fond pour de bon, pour la première fois il se sent défaillir. Dites-vous qu'à partir de ce moment-là, c'est parti pour cent pages de folie ! 

Pendant ce temps-là, à Terrilville, Ronica, sa fille, et leurs nouveaux amis du petit peuple boivent des infusions moisies en se demandant, inquiètes, comment ça se passe en mer. Désolée pour ce résumé lapidaire de la situation dans les terres, mais le fait est qu'il ne s'y passe pas grand chose. 


Un p'tit jus ? 


Happy happy end 

J'avoue que je ne pensais pas que Robin Hobb s'attacherait autant à ménager la chèvre et le chou histoire d'assurer une quasi happy end. Kennit meurt, permettant à Parangon de prendre un nouveau départ grâce à sa tête toute relookée par Ambre. Celle-ci a d'ailleurs pris soin de lui sculpter des yeux et de lui prêter l'apparence d'un beau jeune homme au nez cassé. Faut-il y lire une allusion à FitzChevalerie, l'assassin aux multiples cicatrices ? Althéa renonce à son indépendance et vient se coincer d'elle-même sous l'aile protectrice de Brashen Trell ; Malta et Reyn finissent par trouver leur compte dans ce mariage arrangé par le destin. Une crête de reine dragonne a même poussé sur le front de la jeune fille, tandis que son petit frère s'est couvert d'écailles reptiliennes. Les deux en sont fort aise. Les gens du Désert des Pluies tombent le voile, enfin fiers de leurs visages difformes. On a même trouvé une bobonne de consolation à Greg Tenira, le marchant éconduit par Althéa ! Les serpents arrivent enfin sur leur lieu de nidification, guidés par Tintaglia : dragons ont encore de beaux jours devant eux. C'est joyeux, c'est festif, la tension se relâche... ce serait presque trop beau, voire comique si ce n'était pas écrit par Robin Hobb. Mais non, cette fille nous vend tellement du rêve avec son écriture qu'on est juste contents, satisfaits, détendus nous aussi ; et on le serait tout autant si elle nous racontait le forçage des endives au XIX°siècle. Je pense quand même que l'artiste avait la tête à un autre projet lorsqu'elle a écrit ce final digne d'un hyperactif au réveil, et qu'elle était plus pressée que ses lecteurs de ramener les barques au port ; et c'est plus que compréhensible. 

Du coup, certains personnages passent à la trappe un peu vite _Kyle par exemple, qu'on achève vite fait bien fait après l'avoir ressorti de son trou juste pour la forme. En même temps il ne servait plus à rien depuis fort longtemps. Sérille devient copine avec Ronica pour ne pas se retrouver à la rue et arrive plus ou moins à réaliser son rêve de départ : vivre à Terrilville coûte que coûte. On regrettera aussi le traitement léger du viol d'Althéa, qu'elle signale sans être ni écoutée ni crue _pas même Jek ! et qui passera à la flotte à la mort de Kennit... qui ne paiera jamais pour son acte, en fait ! 

Pour l'anecdote, le jour où j'ai terminé Les Aventuriers de la Mer, une de nos élèves de 3ème a emprunté au CDI le tome 1 de L'Assassin Royal, un peu au pif. Je crois qu'elle est tombée dans la marmite d'Umbre Tombétoile depuis, car elle en est maintenant au 6 (soit La Reine solitaire) ! Robin Hobb compte une fan de plus... 


ROBIN HOBB. Les Aventuriers de la Mer, tome 9 "Les Marches du trône". Pygmalion, 2007. 332 p. ISBN 978-2-7564-0121-8

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