… Dès mon arrivée au collège, j'avais tout de suite compris qu'il faisait régner la terreur dans l'établissement. La légende disait qu'il avait cassé sur la tête d'un gars sa méga équerre jaune, celle dont tous les profs de maths sont dotés pour leur plus grand malaise quand il s'agit de tracer une figure au tableau. Mais dans un aussi petit bahut, les bruits vont bon train et on a tôt fait d'exagérer, alors j'y croyais moyennement.
Or, c'était bien le gros sadique qu'on m'avait décrit. Les premiers cours me parurent plutôt drôles : il se foutait de notre gueule, en nous attaquant sur nos points faibles, physiques, moraux ou scolaires chacun notre tour. On tirait la tronche quand ça tombait sur nous mais on se tordait de rire quand c'était au voisin d'en prendre pour son grade. Quel blagueur ce prof de maths!
C'est rapidement devenu lourd : son humour n'était fondé que sur les moqueries qu'il proférait, excitait la méchanceté d'adolescents qui n'avaient guère besoin d'être montés les uns contre les autres, et n'apportait absolument rien d'un point de vue pédagogique.
Quand il était à cours de blagues, il frappait des garçons élus tête de turc au préalable, sans laisser de trace mais assez efficacement pour impressionner et déchaîner les rires des camarades.
Longtemps, je me suis dit que tout ça, c'était en partie dans ma tête, que j'avais dramatisé l'affaire quand l'avais 14 ans, et que je n'aurais pas la même lecture des faits à présent. C'est ce qu'on se dit quand on émet des doutes sur les pratiques d'un professeur, en heure de vie de classe, à la veille d'un conseil, et qu'aucun de vos camarades n'ose vous suivre. Mais j'ai croisé une ancienne prof depuis, et elle m'a confirmé, avec son regard d'adulte, ce qui m'avait interpelée : l'obstination à réveiller les tensions dans une classe, le silence fait sur son passage et à son sujet, par pure crainte. Bien sûr, il était aussi raciste et homophobe. La totale, quoi; et il l'est sans doute toujours.
Certains de ceux qui l'ont connu, et même parmi ses victimes favorites, diront que ses taquineries n'étaient pas méchantes, qu'on ne pouvait pas parler de violence verbale, qu'ils ont par la suite rencontré pire sur leur chemin. Ce n'est pas faux, même si je pense que ce type était assez malin pour endormir élèves et parents, et leur assurait qu'il agissait pour leur bien. Personnellement je n'ai jamais vu de brimade ou de baffe faire augmenter une moyenne, ni faire naître des compétences. Mais c'est ainsi, tout manipulateur trouve ses défenseurs.
Ce type n'était sans doute pas un monstre; c'était juste une catastrophe et une honte pour sa fonction, qui inclut à mon avis un certain nombre de responsabilités, dont la valeur d'exemple que doit avoir tout adulte face à un public jeune. Si vous êtes agressifs, moqueurs ou violents avec quelqu'un, vous vous exposez à des répercutions, pas forcément sur votre personne, mais sur son entourage. On suit un mauvais exemple aussi bien, voire mieux qu'un bon. Au moins, je peux le remercier d'une chose : grâce à lui je me suis découvert une capacité à haïr quelqu'un jusqu'à rêver de lui planter un compas de prof dans la carotide. S'il arrive que je tue quelqu'un, un jour, j'aimerais autant que ce soit lui.
J'admets avoir sans doute imprimé quelques notions abordées avec lui, telles que la distributivité, qu'il avait une manière bien à lui de traiter. Il amenait 3 élèves à son bureau, demandait à l'un d'eux de foutre un coup de pied au cul aux deux autres placés devant lui, et concluait : «la distributivité, c'est ça! ».
Cependant je dois beaucoup plus à mon manuel scolaire de l'époque, aux collections parascolaires et à tous les autres profs de maths rencontrés avant et par la suite, qui ont été à la hauteur, eux, ou qui ont du moins essayé avec toute la force de leur conscience professionnelle.
Alors bien sûr, les spécimens de cette espèce représentent une proportion minime du corps enseignant, voire ridicule si on la compare à celle des bons (comme les copines!!), des feignasses et des dépressifs. Pourtant elle existe et elle restera toujours trop élevée. Malheureusement, la réforme de la formation des profs n'inclut pas de détecteur à fachos pour l'instant. Dans sa scolarité, il faut croire que tout élève est un jour confronté à une « erreur de jury ».
Eh oui, il faut le savoir : en 2001, en France, il y avait encore au moins un professeur qui tapait sur les élèves, dans le but de se faire entendre!
Heureusement, on avait d'autres façons de se détendre!
L'image ci-dessus a été piochée sur le blog http://cherchefuturs.canalblog.com/, allez donc y faire un tour, il est chouette!
Galen, dans l'adaptation en BD de l'Assassin Royal. |
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