Pièce de théâtre de Pedro Calderon de la Barca, écrite en 1635. Traduction de Damas-Hinard, 1845
La scène se situe en Pologne. Le roi Basilio se sent vieillir et pense de plus en plus à annoncer à son peuple qui sera son héritier. Vraisemblablement, le choix balance entre son neveu Astolphe et sa nièce Estrella. Pour être sûr de na pas finir dindon de la farce, Astolphe a déjà prévu de se marier avec Estrella, qui part avec un léger avantage dans la course au trône. Tous ignorent que Basilio a un fils caché, enfermé à l'écart de toute société dans une grotte. Il est surveillé attentivement par Clotaldo, un vieillard.
Pourquoi un tel traitement envers Sigismond, ce fils unique considéré comme une bête sauvage? Simplement pour une question d'étoiles. Basilio a ses faiblesses : il est fou d'astrologie, c'est un savant dans ce domaine. Il a ainsi lu dans les cieux que son fils, s'il régnait, serait un véritable despote et ne causerait que des malheurs. Il fallait donc éviter ce désastre et de le distancier le plus possible de la cour. Un peu comme Oedipe et les prédictions qu'on essaie en vain d'éviter.
Sigismond, le principal intéressé, ne connaît évidemment rien de l'histoire, et, une fois devenu adulte, il passe son temps à se demander la raison de cet isolement forcé, ce qui le rend quelque peu nerveux. A tel point que son gardien n'ose pas trop l'approcher, de peur que le prince déchu ne le « broie en le pressant contre sa poitrine ». Le seul moyen de le contrôler est de l'endormir avec un antidote.
Un beau jour, arrive Rosaura, tel un cheveu sur la soupe, déguisée en chevalier et décidée à se venger d'Astolphe, son amant qui l'a quittée par opportunisme, donc. Accompagnée du bouffon Clairon, qui va apporter une note de comique à la pièce, elle tombe involontairement dans l' « enclos » de Sigismond et se fait enguirlander par Clotalde (« propriété privée, mince alors! »), avant que ce dernier découvre la supercherie et reconnaisse en elle sa fille, qu'il avait perdu de vue depuis des années. Le monde est petit (surtout dans les pièces de théâtre)! Clotalde, qui en fait, l'a plus ou moins abandonnée (on le comprend au bout de quelques scènes), essaie de se racheter en lui promettant de la venger en plantant deux ou trois bons coups d'épée dans les tripes d'Astolphe.
Basilio a bien réfléchi et rassemble sa cour : il laissera sa chance à l'héritier direct, le solitaire Sigismond. On n'aura qu'à l'endormir pour l'amener sur le trône, et si son comportement est mal approprié ou laisse percevoir les signes d'un futur tyran, on aura qu'à le rendormir, le ramener dans sa grotte et lui faire croire qu'il a rêvé. De cette manière, pas de risque de rébellion de sa part. Astolphe et Estrella tirent un peu la tronche, forcément, mais ils font bonne figure.
Sigismond se réveille dans une chambre princière, et, habitué à moins de luxe et de liberté, il en profite un maximum sans se poser de questions. Elevé à l'écart de sa société, il se comporte en brute, jetant par la fenêtre du château un valet qui lui résiste, et s'apprête à sauter sur la première fille qu'il voit, à savoir sa cousine Estrella. Cette réaction impulsive n'est pas sans nous rappeler Perceval. Apercevant Clotalde, son geôlier, il tente également de l'assassiner; c'est Astolphe qui s'interpose et lui sauve la vie : difficile maintenant de récupérer l'honneur de Rasaura en lui ôtant la sienne.
Basilio accourt afin de calmer ses débordements, mais ne fait qu'accentuer sa rage. Tout est clair pour nous : s'il est aussi agressif, c'est parce qu'il ne comprend pas pourquoi il a été rejeté aussi longtemps, et veut rattraper le temps perdu, se venger et faire payer à tous ses mauvaises conditions de vie. C'est en voulant éviter la prophétie des étoiles que Basilio a permis à Sigismond de se forger un caractère de despote, c'est à lui de voir s'il vaut mieux qu'elle se réalise complètement, ou qu'elle s'arrête, quitte à fausser la traditionnelle passation de pouvoir ...
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