mardi 2 novembre 2021

[LITTÉRATURE JEUNESSE ET ANTIQUITÉ] Astérix - la Serpe d'or. René Goscinny ; Albert Uderzo (1962)

Cette année, une collègue prof de français et de latin a eu l'idée de lancer un Club Antique destinés aux collégiens. Nous allons essayer de leur présenter régulièrement des BD et des romans dont l'action se situe aux temps des Grecs et des Romains. Après une première réunion au cours de laquelle nous avons parlé de Ulysse, l'adaptation de L'Odyssée dessinée par Sébastien Ferran, les élèves ont demandé à ce qu'on leur parle d'Astérix au retour des vacances. Super idée ! Sauf que je n'en ai jamais lu sérieusement... 

Bien sûr, je connais les personnages, je suis tombée sur les dessins animés à Noël, comme tout le monde, et j'ai vu Mission Cléopâtre parce qu'on était au lycée quand le film est sorti et qu'il fallait bien être dans le coup. 

Mais surtout, j'en ai énormément voulu à mon cousin d'avoir chapardé la petite caméra en jouet gagnée dans un Kinder Surprise, dans laquelle on pouvait voir Astérix et Obélix défiler, lorsqu'on collait son œil à l'objectif tout en tournant la manivelle. Il me l'avait arrachée des mains pour la foutre dans le soutif de ma tante, qui était en train de verser du lait dans son café en parlant avec ma mère, et qui n'avait guère réagi. Ce connard savait très bien que je n'aurais pas osé aller la récupérer là-dedans. D'ailleurs, là en l'écrivant, je me rends compte que c'est cette dernière déconvenue qui m'a plus ou moins brouillée avec les irréductibles Gaulois. 

Mais au boulot, pas (trop) d'états d'âme ; comme le premier tome de la série des Astérix était emprunté, nous allons nous intéresser aujourd'hui au deuxième : La Serpe d'or. Paru pour la première fois en 1960 dans le magazine Pilote, 



L'histoire 

Panique au village : le druide Panoramix a cassé sa serpe d'or, le seul outil qui lui permette de donner au gui son pouvoir magique. Pour en acheter une nouvelle, il lui faut se rendre chez le forgeron Amérix, à Lutèce... mais c'est un voyage long et dangereux pour le vieil homme. Il choisit d'y envoyer Astérix et à Obélix, deux Gaulois qui n'ont pas froid aux yeux.

Une fois arrivés devant la boutique de l'artisan, et alors qu'ils pensaient avoir fait le plus dur, les voilà bien embêtés : Amérix est introuvable, et personne ne semble disposé à les renseigner sur les raisons de son absence. Hors de question pour eux de rentrer bredouille ! D'une part, parce qu'ils ont une mission d'importance à remplir : sans la serpe d'or, Panoramix ne peut plus fabriquer la légendaire potion qui donne une force surhumaine à qui en boit. D'autre part, parce qu'Amérix est le cousin d'Obélix. Alors, ils décident de mener l'enquête. Comme ils n'hésitent pas à user de la force pour faire parler les Lutéciens susceptibles de les faire avancer, ils se font rapidement remarquer par le préfet romain : Gracchus Pleindastus. 

Le choc des cultures

La Serpe d'or se déroule en 50 av. JC. La date est clairement indiquée au tout début de l'album. A Lutèce, qui deviendra Paris, Astérix et Obélix ne sont plus dans leur élément : ils ont quitté leur petit village d'Armorique encore indépendant pour une grande ville bourdonnante d'activité et entièrement contrôlée par les Romains. En plus de devoir retrouver Amérix afin de lui acheter une serpe, le guerrier et le tailleur de menhirs vont devoir s'acclimater et s'approprier une ribambelle de codes. Le décalage entre les deux "pays" va être à l'origine d'un grand nombre de situations comiques.


Entre Romains et Gaulois, on se jauge et on se juge dans craindre de tomber dans les généralités : au célèbre "Ils sont fous, ces Romains" _qui n'apparaît pas dans ce tome_ s'oppose un portrait caricatural du Gaulois, dressé en filigrane par les quelques personnages romains qu'on rencontre dans La Serpe d'or. En gros, un type bruyant et conflictuel qui boit trop de cervoise, et qu'il n'est pas nécessaire de prendre au sérieux. Cependant, lorsqu'il s'agit de fomenter les mauvais coups, les cousins ennemis sont tout à fait capables de trouver un terrain d'entente ! 

Ici, le lecteur peut reconstituer (en même temps qu'Astérix et Obélix) l'organisation politique et militaire romaine, qu'ils perçoivent par bribes ; 

- En bas de l'échelle, les légionnaires sont des soldats présents à chaque coin de rue, mais pas très puissants.


- Au-dessus d'eux, les décurions veillent ; ce sont des sortes de sous-officiers commandés par les centurions. 


- Les centurions sont des officiers à la tête d'une centurie, c'est à dire d'un groupe de cent soldats, à peu près. On va les chercher quand un problème prend de l'ampleur. 


- Le préfet, dont on a parlé plus haut vite fait, gouverne Lutèce, mais ne semble pas crouler sous la charge de travail, puisqu'il se plaint beaucoup de s'ennuyer. 


On découvre par le biais des jurons et exclamations proférés par les personnages, quelques divinités de la religion gauloise, qui me paraît relativement méconnue _vous me direz si je me trompe : 

  • Toutatis, aussi appelé Totatus ou Teutatès, est un dieu celte de la mythologie gauloise ; il est considéré comme un dieu protecteur et on peut le comparer au Mars des Romains. Son nom signifie "père de la nation". Sources : Wikipedia et Mythologica.  

  • Toujours dans la mythologie celte, Belenos est le dieu du soleil, de la santé, de l'harmonie ; il est associé à l'Apollon des Romains et parfois à Grannus, leur dieu guérisseur. Son pendant féminin, Belisama, sort de la bouche du tenancier de l'auberge "Au soleil de Massalia", qui apparaît à la fin de l'album. Dans son exclamation "Oh, bonne Belisama", on reconnaît aisément le "Oh, bonne mère" des Marseillais. 
En cas de coup de stress, les Romains, invoquent quant à eux le dieu grec Apollon, et bien sûr Jupiter.  

Double lecture 

Comme chacun sait, les auteurs se sont beaucoup amusés à intégrer au contexte antique des personnages qui leur étaient contemporains, ainsi que des allusions à leur actualité. L'histoire ayant été écrite au début des années 1960, il faut aujourd'hui s'y reprendre à deux fois pour bien repérer et saisir les clins d'oeil. Voire s'aider de certains sites Internet, tel que le très complet Asterix.com, comme j'ai pu le faire, sinon je n'aurais rien vu du tout. 

Dans La Serpe d'or, par exemple, le lecteur averti reconnaîtra l'acteur Raimu dans le personnage de l'aubergiste marseillais dont nous parlions plus haut.


                   

  • Avant de se rendre dans la forêt Touffue, qui correspond géographiquement au bois de Boulogne, Astérix et Obélix vont emprunter la Voie Romaine VII, fort encombrée et encore en travaux. J'y ai vu une Nationale 7 version gauloise ; là encore, dites-moi si je me plante.   

Si vous voulez découvrir La Serpe d'or : 

  • René GOSCINNY ; Albert UDERZO. Astérix - La Serpe d'or. Hachette, édition de 1999. 48 p. ISBN 978-2-01-210134-0.
  • Une version audio intitulée Astérix et La Serpe d'or. le disque d'Aventure, enregistrée en disque 33 tours, est disponible sur Youtube. Elle a été adaptée et réalisée par Jacques Garnier et Gérard Barbier ; pour l'instant, je n'ai pas réussi à trouver l'année de sortie du vinyle. Aussi étonnant que ça puisse paraître pour une BD, l'histoire est tout à fait compréhensible sans l'image, grâce au talent des acteurs et au travail fait autour des onomatopées. En même temps, je venais de lire l'album lorsque je me suis lancée dans l'écoute : ça a peut-être faussé mon jugement.  
 

 

Ah ! J'en étais sûre !

2 commentaires:

tadloiducine a dit…

'Me rappelle que, quand j'avais commencé le latin au bahut, "on" m'avait offert "Falx aurea" (oui, la version en latin!) pour me motiver!
... Je me revois encore en train de taper à la machine les traductions en français pour les scotcher (par un petit "pivot" en haut) sur les "bulles"... A l'époque, pas d'ordinateur ni de "traitement de texte" pour bien positionner tout ça...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

Java a dit…

Super idée ! Oui, on avait intérêt à être un peu bricoleurs, dans le temps !