mercredi 30 avril 2014

Je m'appelle Nako - Guia Risari, Magali Dulain (2014)

L'opération Masse Critique... Babelio... Plus la peine de vous expliquer le principe, à force?



Quelques jours après avoir réceptionné Blood Song d'Anthony Ryan, l'album Je m'appelle Nako est arrivé dans mon courrier. Réalisé par Guia Risari et Magali Dulain, il est paru cette année aux éditions Le baron perché. 

Que se passe-t-il dans la tête d'un petit gitan qui se frotte tous les jours à des gosses dont le mode de vie est très différent du sien ? Bien des choses ! A travers la plume de Guia Risari et le crayon de couleur de Magali Dulain, Nako se présente, évoque successivement son quotidien en famille, à l'école, ses peurs pour l'avenir et ses rêves. 

Cet album met l'accent sur le constant effort d'adaptation que doivent fournir les gens du voyage pour se fondre dans l'environnement de leur lieu de passage. Nako ne s'appelle ni "Tchukurka" ni "Pepindorio", mais "Nako", c'est parce que ses parents ont préféré lui donner un nom passe-partout pour favoriser son intégration : "Déjà la vie n'est pas facile, on ne va pas rajouter des complications." Sa famille a appris à éviter les endroits où les campements de gitans ne sont pas autorisés, sans batailler outre-mesure, à l'exemple du grand-père qui affirme "Là où c'est interdit, c'est pas la peine." Aussi Nako donne-t-il l'image d'un petit garçon fataliste, pas du tout vindicatif, ni fier ni honteux de sa culture, mais déjà terriblement résigné à subir la discrimination. 

Comment ne pas l'être ? comment ne pas s'habituer aux injures lorsqu'on s'en prend plein la gueule tous les jours ? Les paroles sont du vent : au début, elles vous mordent le visage ; puis, après quelques minutes passées à affronter la tempête, elles ne vous atteignent plus à mesure que votre peau se durcit. Jusqu'à ce que vous ne les sentiez plus et que vous n'arriviez plus à les distinguer des mots neutres, voire bienveillants de ceux qui vous entourent. Vous ne les relevez plus parce que tout simplement vous ne les entendez plus. Ce n'est pas de l'acceptation, c'est pire : c'est la banalisation. Le danger est là : comment lutter contre quelque chose qu'on ne remarque même plus ? 

" Si nous sommes trop nombreux, les policiers viennent nous rendre visite et nous déplacent. C'est triste, mais c'est ainsi." 

Je m'appelle Nako facilitera sans aucun doute la prise de conscience des plus jeunes, très tôt auteurs de propos racistes et/ou victimes de l'intolérance _parce que l'un n'empêche pas l'autre, ne l'oublions pas : y a bien des homos qui votent FN ! Mais cet album est surtout une introduction à une culture très mal connue ; et dans ce petit ouvrage destiné aux 4 ans et plus, j'ai pas honte de dire que j'ai appris des choses : des noms de peuples (les Sintis, par exemple), le nom de la langue (le romani), le drapeau, l'hymne... Pourtant, côté famille, on peut considérer que j'ai le cul entre deux fauteuils en osier, et je ne saurais dire au juste si ma grand-mère paternelle a plus souvent été traitée de "baracotte" que de "pute", ou inversement. Cela dit, étant donnée la qualité de la personne, "pute" est tout à fait convenable.  

Le dessin de Magali Dulain est agréable à regarder, empreint qu'il est de tonalités ni chaudes, ni froides... si semblables à la vie de Nako, pris entre joies et peines. Elle nous propose une succession de scènes dessinées au crayon de couleur qui ne sont pas sans rappeler les productions d'un enfant, un peu comme si le héros avait lui-même représenté graphiquement sa vie quotidienne. Souvent placé à l'écart, à contresens des autres, ou dos tourné à eux, l'isolement de Nako par rapport aux autres écoliers est tellement sensible qu'on a quand même envie de dire : non mais non !! C'est pas si pire, quand même !! Si les vannes dégueu affluent incontestablement, il leur arrive QUAND MEME de sourire, aux petits Roms : l'intégration reste possible. Il ne faut rien laisser passer en terme de violence verbale ou physique, certes, mais tomber dans le pessimisme ne se justifie pas non plus.  



A l'heure où Kendji crève l'écran dans The Voice, les collégiens de mon bahut donnent du "sale gitan" à intervalles réguliers... Par conséquent, l'album va tourner dans le CDI à partir de demain 8h15 _ faut que je le catalogue un peu, quand même, à moins que je me fasse aplatir en traversant la rue, d'ici-là ! 


         Kendji Girac - Bella revisitée

RISARI, Guia ; DULAIN, Magali. Je m'appelle Nako. Le baron perché. 2014. 35 p. ISBN 978-2-36080-099-5.  

Merci Le baron perché et Babelio

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