Il faut bien lire quelques romans pour enfants, de temps à autres ! Dernièrement, j'ai emprunté celui-ci à la bibliothèque :
Bon, l'illustration laisse entrevoir une histoire cruelle et quelque peu déprimante. C'est bien le cas, en effet. Mais pas seulement !
Il était une fois un petit clochard moche et puant sur lequel tout le monde lançait des pierres et ses épluchures de carottes, parce que c'est encore plus dégueu que les tomates pourries...
Non, je déconne.
Après cette fausse présentation, Mongol va vous sembler aussi qu'un yaourt à zéro pour cent.
Ludovic
n'est pas bête, il est simplement un peu long à la détente. A l'école et au centre aéré, ses copains ont bien cerné sa
faiblesse. C'est pourquoi ils passent leur temps à l'insulter, à le
traiter de débile ou de crétin. Ludovic subit sans répondre,
habitué depuis toujours à ces brimades _ y compris à la maison.
Mais lorsque Fabrice, le chef de bande, le qualifie de « mongol »,
la perplexité l'envahit : que peut bien vouloir dire ce drôle de
mot qu'il entend pour la première fois ?
Le
« sombre idiot » avance à son rythme, mais son sens
logique ne lui fait pas défaut : « un mot, ça veut forcément
dire quelque chose ». Alors il prend un dictionnaire afin d'y
trouver la définition du mot « mongol ». Le voilà lancé
à la découverte de la Mongolie, de ses paysages, de sa culture et
de son peuple auquel Fabrice et sa bande ont subitement choisi de
l'associer : allez savoir pourquoi ! Lui qu'on habille été comme
hiver de quolibets plus pourris les uns que les autres, est
maintenant comparé à un fringant cavalier mangeur de viande crue !
Quelque chose ne tourne pas rond... mais peu importe, son estime de
lui-même s'en voit rehaussée. A la surprise de tous, Ludovic se
transforme petit à petit en véritable Mongol : il passe ses nuits à
lire tous les livres et les revues susceptibles de mieux lui faire
connaître « son » peuple, il se nourrit exclusivement de
viande et de lait (ah tiens comme Dukan), il enrichit son vocabulaire
mongol _ surtout le registre ordurier, d'ailleurs.
A
l'école, cette transformation n'est pas très bien perçue : un
souffre-douleur qui rigole, qui vous dit des mots dans une autre
langue et mange avec les doigts, ce n'est pas très amusant. Voire un
peu flippant ! La bibliothèque _ et sa bibliothécaire _ est le seul
lieu où Ludovic peut à peu près s'épanouir. On sort du cadre
scolaire où les rapports entre les élèves sont déterminés par ce
qui se passe dans la classe et dans la cour, pour entrer dans une
aire sans a priori, où chacun est son propre guide, où chacun va à
son rythme. L'assimilation de cet endroit à un cocon, ou à un nid _
assez spacieux pour esquiver ses ennemis et pourvu de toilettes
confortables_ est intéressante. Tant que nous y sommes, autant filer
la métaphore de l'oiseau avec la bibliothécaire : protectrice et
bienveillante, elle prend le poussin dénigré sous son aile, sans
différencier ses capacités de celles des autres.
Vous n'espériez tout de même pas y échapper ?
Kinder surprise
La
force du roman de Karin Serres réside dans cette mutation un peu
déroutante du héros. En effet, Mongol ne retrace pas
l'histoire d'une victime qui se relève, affronte ses agresseurs pour
enfin les battre à plate couture. On n'est pas dans Hajime no
Ippo (Ippo, la rage de vaincre), même si j'en parlerai, un jour,
c'est promis ; car c'est un manga qui donne beaucoup d'espoir.
Parfois, rester réaliste et faire une croix sur le happy end s'avère
tout aussi efficace : la réaction imprévisible du héros prend les
autres enfants de cours et bloque momentanément leur venin. C'est à
leur tour de ne pas tout piger : dès que Ludovic parle dans une
langue qui leur est étrangère, ils font l'expérience de la
frustrante impression « d'avoir loupé un chapitre »...
et ne veulent pas le reconnaître, bien évidemment. Si la différence
déchaîne les instincts grégaires parce qu'elle fait peur, la
surprise a plutôt le pouvoir de déclencher le rire chez l'Autre, ou
de le tétaniser. Ici, la seconde option est bien perceptible, même
si Fabrice sa meute d'insignifiants suiveurs se risquent à quelques
actes d'intimidation, histoire de ne pas perdre la face. Pensons à
la scène des osselets, jeu auquel Ludovic excelle d'autant plus
qu'il s'inscrit pleinement dans la culture mongole.
Ce roman pour
enfants me rappelle un épisode du dessin-animé Hé Arnold ! On
y rencontre une situation quelque peu similaire : un jour, Arnold _
héros frêle au visage « en forme de ballon de rugby » _
se voit menacé de mort par Harold _ la brute épaisse. Ils doivent
se retrouver le lendemain pour se battre en bonne et due forme,
malgré leur manifeste différence de gabarit. Après avoir pleuré
sa mère toute la nuit, Arnold décide de prendre le taureau par les
cornes et de se faire passer pour un cinglé. Armé d'un énorme
poste de radio, il se met à hurler « je suis zinzin » en
dansant la java autour de son adversaire incrédule. La technique
marche à merveille : Harold est tellement effrayé qu'il fuit la
confrontation au pas de course, en criant « ce type est
cinglé ».
Comme quoi, la folie a du bon, surtout si elle est
bien simulée !
SERRES, Karin. Mongol. L'Ecole des Loisirs. Coll. "Neuf". 2003. 91 p. ISBN : 2 21106969 X
4 commentaires:
Il a l'air intéressant ce bouquin !! Ton article m'a donné envie de le lire... !
Je te l'apporte ! ;-)
Arnold, ce génie !
Lui, c'est mon héros !
Enregistrer un commentaire