Il était important que je revienne écrire ici. Comme à chaque début d'année scolaire, j'ai été rapidement submergée par ces tâches de rentrée qui me sont pourtant familières. A cela s'ajoutait des occupations plus personnelles, telles que la fin de préparation du marathon de Rouen, suivie, quelques jours plus tard, de l'examen du permis.
Eh bien, j'ai fini la belle boucle rouennaise en 4h17 (RP), mais surtout, j'ai eu mon permis. Qui l'eût cru ? Un complexe vieux de presque quinze ans vient de se désagréger. A presque quarante ans, et après plus d'une centaine d'heures de formation _d'ailleurs il m'en reste à effectuer : je ne comptais tellement pas l'avoir du premier coup que je m'étais gardé une dizaine de leçons sous le coude. Pourtant, je me sens aussi invincible et jouasse que vous avez dû l'être à dix-huit ans, dans les mêmes circonstances. Autour de moi, on s'étonne de mon euphorie et quelques uns commencent à s'en agacer : ils conduisent depuis vingt ans pour la plupart, alors forcément... Je ne leur en veux pas. Comment pourraient-ils deviner tout ce que cette réussite représente à mes yeux ?
Lorsqu'on dit que le permis de conduire a une valeur symbolique d'"indépendance", de "passage à l'âge adulte", de "prise de responsabilités", ce n'est sans doute pas faux. Bien sûr, pour ma part, cet objectif relevait surtout du défi personnel. L'échec des trente heures pour rien avec Rolland _le moniteur de l'auto-école de Saint-Astier, à l'époque_ m'avait ruinée et m'avait collé une étiquette d'"incapable" à la conduite. C'était devenu un caillou dans ma chaussure. Je l'ai enfin viré. Mais c'est vrai que, pour la première fois, il y a quelques jours, je suis malencontreusement tombée sur ma tête dans le miroir et j'ai constaté que je faisais drôlement bien mon âge. Je ne pense pas avoir vieilli d'un coup depuis le 29 septembre, simplement c'est ce jour-là que j'ai accepté de voir ce que j'ai vu : une femme de 37 ans donc, qui vit comme une étudiante dans un studio de location sympa mais fort bordélique, qui communique avec ses pairs et se comporte comme si elle avait l'âge de ses élèves. Pour la première fois, j'ai senti que quelque chose sonnait faux. Je le savais déjà plus ou moins, mais jusqu'à ce jour, cela ne ressemblait en rien à un problème. L'effet papier rose s'était bel et bien produit, ahah.
Puis je suis retournée zoner sur Internet et j'ai commandé toute une série de Titeuf d'occasion à un excellent prix. Ah, j'ai le permis, putain !!
Que ma tête vieillisse, que je prenne un peu plus de cul année après année, ce n'est pas une source d'inquiétude : c'est dans l'ordre des choses. En fait, pour l'instant ça m'apporte plus d'avantages que de désagréments, notamment au travail, où élèves et collègues _quasiment tous plus jeunes que moi à présent_ m'identifient comme adulte et s'adressent à moi en tant que tel. Vous êtes bien placés pour savoir que cela n'a pas toujours été le cas. Non, ce qui me laisse perplexe, c'est l'écart qui grandit toujours plus entre ce corps qui suit docilement la ligne temporelle et cet esprit, qui s'accroche à une enfance qu'il a le sentiment de ne pas avoir exploitée à fond.
Il semblerait que je sois bloquée à un carrefour particulièrement encombré, sans trop savoir quoi faire. En attendant de prendre les bonnes décisions, en espérant que ça se débouche avant la tombée de la nuit, je continue à courir, à lire des histoires de super-héros, et surtout à bosser (pas si mal que ça, franchement). Si les élèves y gagnent, c'est que tout n'est pas perdu !
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